d’Anticosti à Havre-Meunier, retardant d’autant plus l’arrivée à la Rivière-au-Tonnerre.
Le golfe reprenait peu à peu son calme habituel, et on put constater tout le dégât causé par la tempête. On apprit la disparition de plusieurs barques de pêche, perdues à tout jamais.
Les félicitations au capitaine se renouvelèrent, mais lui se contentait de répondre :
— Remerciez le bon Dieu, car ce n’est pas moi qui vous ai sauvés malgré ma bonne volonté, et, si j’ai pu résister toute la nuit sur le pont, c’est Notre-Dame de la Garde qui m’en a donné la force. Cela dépasse toute conception humaine de penser à l’angoisse que m’a causée cette nuit de tempête.
— Vous auriez pu périr avec nous, capitaine, interrompit un passager.
— Ah ! mais ne croyez pas que c’est pour moi que j’ai eu peur, répondit le capitaine (piqué de croire qu’il eût pu trembler pour lui-même), mais pour vous tous ! Je m’en souviendrai longtemps tout de même. Puis s’adressant à Angéline :
— Eh bien, la petite ! On a craint de ne pas revoir ses parents, n’est-ce pas ?
— Si j’ai eu peur ! et si nous devons remercier le bon Dieu d’abord et Notre-Dame de la Garde ensuite, nous vous devons aussi une fière chandelle. Soyez assuré que vous aurez toujours une place dans mon cœur.
— Ah ! ah ! fit en riant le capitaine ; dans un grand cœur, il y a de la place pour bien des petites choses. Eh bien ! foi de capitaine, s’il y a une toute petite place dans votre cœur pour moi, tant mieux ! Pourvu que vous me disiez un Ave Maria tous les soirs pour le reste de vos jours, je serai content.
— Promis, Monsieur le Capitaine, et j’y serai fidèle.
— C’est bien, mon enfant, et dans deux heures tu seras à la Rivière-au-Tonnerre et tu pourras embrasser tes vieux parents tant que tu le voudras.