Page:Lallier - Angéline Guillou, 1930.djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 21 —

pitance ; recommencer et recommencer tous les matins ; c’est décourageant, ça, Monsieur le Curé !

— Voyez le père Guillou qui a quatorze enfants bien grouillants ! répondait-il à ceux qui, comme Cyr, fatigués de leur dur métier, menaçaient de jeter le manche après la cognée, pour aller s’engager dans les chantiers et servir de bêtes de somme à de grosses compagnies forestières sans entrailles.

Le bon Dieu a dit : « Aide-toi et le Ciel t’aidera ! » Il n’abandonne pas ceux qui savent lui rester fidèles.

Encouragés par ces paroles tombées des lèvres du prêtre et par l’exemple de Pierre Guillou, ils retournaient à leurs barques avec plus d’entrain et y mettaient même de la gaieté.

Quoique chante rarement ce peuple mélancolique, on entendait quelquefois partir les jeunes en chantant cette chanson de Botrel, si populaire au pays depuis la première visite du barde breton aux Canadiens.


La brise enfle notre voile :
Voici la première étoile
Qui luit !

Sur le flot qui nous balance,
Amis, voguons en silence,
Dans la nuit.

Tous les bruits viennent de se taire,
On dirait que tout sur terre
Est mort.

Les humains comme les choses,
Les oiseaux comme les roses
Tout s’endort.


Comme ils s’éloignaient, on entendait les derniers échos de leurs chansons que la rafale transportait au rivage :


Les goélands ont des ailes,
Ont des ailes…
Les goélettes aussi !