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détresse et on vint à mon secours, pour venir ensuite faire naufrage près de Baie Johan-Beets après deux mois de navigation.

Je ne m’attendais pas aux événements qui se sont succédés depuis mon départ ; mais j’avais décidé de consacrer ma fortune à l’évangélisation des sauvages.

À ces paroles, Mère Saint-Vincent-de-Paul eut un mouvement de contrariété que Jacques saisit immédiatement.

— Soyez tranquille, Mère. Depuis mon arrivée ici, j’ai entendu raconter le récit de votre histoire ; de votre inquiétude à mon sujet,… votre maladie,… les angoisses de vos proches… et le dévouement de Mademoiselle Dupuis.

Jacques s’arrêta et pleura longtemps pour se soulager des sanglots qui l’étreignaient.

— J’avais aussi promis de donner la moitié de ma fortune aux pauvres. Comment aurais-je pu en disposer mieux que vous ne l’avez fait vous-même ? Je ratifie tout ce que vous avez fait comme dernier acte de ma vie civile. Vous m’avez donné l’exemple, Mère ! et ce sera encore un des grands bonheurs de ma vie de marcher sur vos traces, avec l’espérance de vous rencontrer dans un monde meilleur. Après avoir visité ma famille, j’entrerai chez les Oblats de Marie Immaculée pour me dévouer désormais à l’évangélisation des sauvages.

Ces dernières paroles, qui tombaient dans le cœur de Mère Saint-Vincent-de-Paul comme une rosée bienfaisante après une journée de chaleur, étaient dites avec tant de bonté, que la douce figure de la religieuse s’illumina de ce sourire mélancolique qui fascinait tous ceux qui avaient le bonheur de l’approcher, et elle dit tout simplement :

— Jacques ! je vous remercie d’être venu. Merci aussi pour mes pauvres, merci pour votre générosité à mon égard, merci pour ces chers sauvages qui recevront l’évangélisation de votre bouche. Si Dieu ne permet pas que nous nous revoyions sur cette terre, je vous dis : Au revoir ! au Ciel !