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Elle n’avait rien perdu de sa remarquable beauté sous l’habit religieux. L’empreinte de la douleur qui se reflétait dans la mélancolie de ses yeux, ajoutait encore au charme qui se dégageait de sa personne. Elle portait son âme sur sa figure, comme le faisaient remarquer tous ceux qui bénéficiaient de sa présence.

Le bon ancien curé de la Rivière-au-Tonnerre, devenu le chapelain de la communauté, disait souvent à ses petites Sœurs :

— Le bon Dieu peut maintenant venir me chercher. J’ai accompli ma mission et n’attends plus que le mot d’ordre de mon Juge : « Viens, bon et fidèle serviteur, viens recevoir la récompense que je t’ai préparée depuis le commencement du monde. » Il s’éteignit doucement à l’âge de quatre-vingt-quatorze ans, entouré des petites Sœurs ; son corps repose maintenant dans la crypte de la modeste église blanche de sa paroisse, où il avait manifesté le désir de dormir son dernier sommeil.


XVI


Un matin du mois de novembre où une tempête furieuse faisait rage, de nombreux naufragés, que la vague avait rejetés sans secours sur le rivage, vinrent demander asile à l’hospice de Notre-Dame-de-la-Garde, à Havre-Saint-Pierre. Mère Saint-Vincent-de-Paul se multipliait afin d’hospitaliser tous ces malheureux désemparés, que la Providence lui envoyait, disait-elle.

La Sœur portière arriva précipitamment vers elle pour lui dire :

— Mère, un jeune homme portant une longue barbe, habillé de riches fourrures, demande à vous parler.

— Est-ce un blanc ou un sauvage ? répondit Mère Saint-Vincent-de-Paul, sans se retourner.

— C’est un blanc, Mère ! Les sauvages n’ont pas de barbe, comme vous savez.