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Tout le monde avait pris un tel intérêt à ce petit dialogue qu’un silence complet s’était fait dans la salle ; si bien que le capitaine, entendant sa grosse voix résonner dans le vide, s’aperçut de l’intérêt que suscitait sa protégée.

— Le temps est écho ! je crois qu’on va avoir de la pluie, fit le capitaine pour détourner la conversation.

On causa de toutes sortes de banalités et, après le dîner, Angéline Guillou monta sur le pont et se mêla aux autres passagers, distribuant force sourires aux gens du pays, conversant avec eux avec toute la grâce d’une princesse en villégiature ; elle répondait même en anglais avec amabilité aux passagers qui l’interrogeaient dans leur langue, sur son pays, son passé et même ses projets d’avenir.


III

LA RIVIÈRE-AU-TONNERRE


La Rivière-au-Tonnerre, nom dérivé d’une cataracte de cent cinquante pieds de hauteur, d’où l’eau s’échappe et tombe en bruit de tonnerre dans sa chute vertigineuse, est un humble hameau situé sur la rive gauche du Golfe Saint-Laurent, à mi-chemin entre la Baie des Sept-Îles et Havre-Saint-Pierre, parcours de cent mille marins. Quelques tronçons de route relient certains postes de pêche entre ces deux points ; mais les communications ne se font que par eau en été et par cométique[1] en hiver.

Le bourg est composé d’une agglomération d’à peu près quatre-vingts maisons disséminées çà et là sans ordre ni symétrie. Une clôture, en perches d’épinette ou de cèdre, entoure les habitations. Des barrières rustiques de même confection s’ouvrent devant chaque demeure ; mais on communique généralement entre elles au moyen de petits escaliers de planche de trois ou quatre marches, par-dessus

  1. Espèce de traîneau tiré par des chiens esquimaux.