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— Il ne faut pas prendre les choses comme ça, Pierre ; c’est une épreuve, et la vie en est remplie.

— Angéline me le disait encore hier ; tenez, papa, disait-elle, je préfèrerais ne jamais avoir reçu d’instruction et être restée comme les autres jeunes filles de la Côte. Jacques ne m’aurait pas remarquée et je n’éprouverais pas aujourd’hui cette peine amère.

— Il y a peut-être du vrai là-dedans ; mais connais-tu les desseins du bon Dieu ?

— Je ne suis qu’un pauvre ignorant, moi ! Que voulez-vous que je comprenne à toutes ces épreuves que je semble n’avoir pas méritées ; car j’ai mené une bonne vie, travaillé comme deux hommes.

— Tout le monde le sait, mon brave Pierre. Les sacrifices que tu as faits n’auront pas été vains et l’avenir te le dira.

— Nous sommes bien chanceux de vous avoir tout de même, Monsieur le Curé. Vos paroles m’ont fait du bien et, comme toujours, je suivrai vos conseils.

— Je m’attendais à cela de toi, Pierre. Si le besoin d’un médecin se fait sentir je t’avertirai à temps. D’ailleurs, mademoiselle Dupuis qui devait quitter le dispensaire à l’automne est décidée à rester pour ne pas quitter Angéline.

— Je vous dois encore cette faveur, Monsieur le Curé, car je vous assure que ça me rend un fameux service. Je la récompenserai, vous savez.

Pierre Guillou sortit du presbytère avec un courage retrempé et s’en retourna d’un pas alerte, pour un homme de son âge.


VII


Noël et le Jour de l’An n’apportèrent pas avec eux la gaieté coutumière. Le père Ambroise Comeau qui était revenu à la date habituelle pour reprendre sa série de contes, fut prié de remettre à plus tard ses récits, car personne n’était disposé à l’écouter.