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V


La disparition du capitaine Vigneault, les jours courts et sombres d’octobre, donnaient à la Côte un aspect mélancolique. Tous ceux qui avaient bénéficié des exploits du disparu partageaient cette tristesse.

Angéline, cependant, qui semblait faire preuve d’un courage extérieur, du moins, remontait celui des autres. Elle communiait tous les matins et faisait brûler des cierges constamment en face de la statue de Notre-Dame de la Garde.

L’ardeur de ses prières retrempait son courage, sans cependant lui procurer un faible rayon d’espoir. Souvent, en se rendant à l’église pour prier, elle s’arrêtait soudain, scrutant longtemps l’horizon, immobile comme une statue, puis reprenait lentement sa marche vers la petite église.

Le sourire gracieux de cette figure de madone finit par disparaître complètement. À force de pleurer, ses yeux se creusèrent, sans cependant perdre cette expression de candeur enfantine et de suave bonté qui la rendaient si attrayante ; la pâleur de ses joues ne faisait qu’ajouter à cette beauté déjà si ravissante.

Que d’heures, dans la journée, elle passait appuyée à la fenêtre de sa modeste chambre, espérant toujours voir apparaître le grand oiseau blanc de son fiancé. La petite Agathe pour qui elle avait une affection particulière, à cause de ses belles qualités de cœur, la suivait partout dans la maison.

Un jour qu’Angéline scrutait ainsi l’horizon, de même que le firmament, la petite Agathe lui demanda :

— Pourquoi pleures-tu toujours en regardant le ciel ?

— Pour deux raisons ma chérie : d’abord, parce que s’il est mort il doit être là-haut, et que, s’il revient, c’est de là encore que je l’attends.

— Pourquoi aussi l’as-tu laissé partir, car je l’aimais bien Jacques, moi aussi.