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prophétie qu’elle s’est permis de faire ne semble pas, pour le moment du moins, parmi celles qui doivent se réaliser à brève échéance.

Vous savez tout de même comme je suis impressionnable ? Inutile par conséquent de vous dire que, malgré que je ne veuille pas y croire, j’étais si habituée d’accepter toutes les idées de cette bonne Mère, que j’ai eu quelques jours de mélancolie après la lecture de votre lettre.

Vous l’avouerai-je ? je crains toujours que l’entreprise hasardeuse de l’exploitation de votre découverte n’entraîne quelque malheur : mais je suis si pessimiste depuis qu’un premier malheur est venu me frapper, que vous pourrez bien mettre cela au compte de mes nerfs qui sont un peu fatigués.

Le temps se passe relativement bien, cet hiver. Nous sommes à préparer, à la demande de Monsieur le Curé, une soirée récréative, dont Mademoiselle Dupuis et moi-même avons la charge. Nous représenterons Évangéline, de Longfellow, que Monsieur le Curé a traduit et adapté à la scène.

La représentation aura lieu probablement le lundi de Pâques. J’aurais aimé retarder le concert jusqu’à votre retour ; mais Monsieur le Curé tient à cette date, et naturellement nous n’osons le contrarier.

Mademoiselle Dupuis et moi sommes en très bons termes. Elle semble avoir tout oublié. Comme vous connaissez son intelligence, vous n’en serez pas surpris.

Inutile de vous dire que votre retour est attendu avec impatience par votre petite fiancée, et la population du bourg reverra avec joie le grand oiseau blanc, qui créa une si vive commotion lors de son premier amerrissage ici.

Les commères sont bien inquiètes à notre sujet, et leurs commentaires, dont je reçois les échos, m’amusent beaucoup. Nous aurons beaucoup de choses à dire quand le printemps tant désiré vous ramènera au pays.

Veuillez, en attendant, mon cher fiancé, accepter les sentiments de mon affection la plus tendre.

Votre petite fiancée,
Angéline.