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— Inutile ! J’ai repris ma liberté et tout ce que je vous demande, c’est d’avoir confiance.

Mon grand-père partit au pas, puis se mit bientôt à « trottiner ».

— Il est souple comme un lièvre, murmura tout haut le baron. Peut-être a-t-il raison ? Il faut tout de même qu’il ait les jarrets solides, le bonhomme.

En « trottinant » il changeait souvent sa carabine d’épaule, comme pour se reposer, et s’arrêtait de temps en temps pour s’orienter et scruter les alentours, pour voir s’il ne verrait pas de traces des bandits.

Les chevaux, dans leur course folle à travers la prairie, avaient laissé les traces de leurs sabots ; de sorte que le pourchasseur n’eut pas de peine à suivre leur piste. En examinant la piste des chevaux, il constata que la longueur des pas diminuait et que, par conséquent, ils avaient commencé à ralentir leur course après avoir gravi une petite élévation qui les dérobait à la vue. Il fallait redoubler de prudence pour les poursuivre en rase campagne. Il ralentit donc lui-même sa course et marchait avec la plus grande précaution, gravissant les plus légères élévations à quatre pattes pour ne pas donner l’éveil.

La nuit était déjà depuis longtemps tombée sur l’immense plaine, quand il aperçut, dans le lointain, une lumière qui lui parut d’abord une étoile perçant à travers le ciel gris ; mais, s’étant arrêté, il eut tôt lait de constater que ce ne pouvait bien être autre chose qu’un feu de bivouac. Son affaire était bonne, les bandits étaient bien là mais il fallait se méfier des sentinelles qui pourraient être placées en avant-garde entre l’endroit où il se trouvait et le campement.

Il redoubla donc de prudence. D’ailleurs la longueur de la nuit à cette époque de l’année lui permit de se rendre à portée de carabine du campement avant le jour. Il évita tout bruit et soufflait même avec précaution pour n’être pas deviné en ces lieux, où le moindre bruit peut être entendu de loin dans cette solitude immense.