Page:Lallier - Angéline Guillou, 1930.djvu/122

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 124 —

comme des déchaînés et à danser comme de vrais lutins ; et, à la vue du curé, ils se blottirent dans un coin.

Ayant revêtu son étole, il récita de longues prières, puis commanda à Satan de sortir de ces personnes. Bientôt la paix régna sur la figure de ces pauvres gens qui vinrent se mettre à genoux devant le curé en signe de reconnaissance.

— On est la grand’-noire ? interpella le curé.

Le curé posa cette question, parce qu’il y avait une belle jeune fille de dix-huit ans que le diable n’avait pas encore quittée et qui était blottie dans un coin de la maison, faisant mille contorsions. Les prières du curé n’avaient pas réussi à exorciser Satan qui semblait avoir pris possession lui-même de la jeune fille.

— Il va falloir que la grand’noire vienne elle-même la délivrer, dit le curé ; car c’est un démon particulier qui n’obéit que par l’intermédiaire de celle qui lui a commandé de s’en emparer.

— Quelle direction a-t-elle prise ? dit le curé en s’essuyant le front.

— Elle est sortie comme un éclair de la maison, dit un voisin, et elle est partie dans la direction de Québec.

— Elle doit être partie pour l’île d’Orléans, marmotta le curé. Probablement pour raconter ses prouesses à l’âme de la Corriveau ; puis il ajouta :

Je vais la faire venir.

Vous savez, les enfants, dit Ambroise s’interrompant : les curés ont un petit « Philibert » pour faire venir le diable ! Il se mit donc en « demeure » de faire venir immédiatement à Verchères, l’ensorceleuse qui croyait bien échapper aux justes châtiments du Ciel en se sauvant. Mal lui en prit, car le curé commença immédiatement sa tâche.

— Josette Sinotte, je t’adjure au nom du Dieu Tout-Puissant de venir immédiatement à Verchères. Si tu es sur la terre ferme, cours ! Si tu es sur l’île avec tes pareils, traverse à la nage et rattrape ensuite le temps perdu, car il faut que tu sois ici à quatre heures de l’après-midi.