Page:Lallier - Angéline Guillou, 1930.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 119 —

— Bonjour, Monsieur Guillou, bonjour la compagnie !

— Tu es bien arrivé, Ambroise. Tu vas venir casser la croûte avec nous. Un couvert de plus, Angéline.

— Vous excuserez bien le menu, père Ambroise, nous n’attendions pas de visite aujourd’hui, dit Angéline en préparant le couvert supplémentaire.

— Nom d’un chien, Mademoiselle Angéline, on ne part jamais de « chu » Pierre Guillou le ventre creux. C’était comme ça du temps de la défunte, et je vois que la fille tient de la mère pour être « avenante ». Je ne dis pas cela pour vous flatter « Mamzelle » Angéline ; mais il y a des vérités qu’il faut bien dire, au risque de blesser la modestie.

— Vous savez encore tourner un compliment, père Ambroise, dit Louise, la cadette de la famille.

— Bien sur !… bien sur !… Quand même on vieillit, le cœur reste toujours jeune, ma petite.

— Prenez-vous de la soupe ? interrompit le père Guillou pour couper court aux compliments.

— Nous avons eu un beau concert dernièrement, père Ambroise, continua Louise. Un musicien aveugle a fait la Côte et nous a fort amusés avec ses chansons comiques et ses complaintes longues de trois aulnes. Je vous assure que c’était beau.

— Oui,… oui,… répondit lentement le père Comeau : c’est bien beau la musique ; mais la plus belle chanson ne vaut pas un beau conte.

— C’est vrai, dit le petit espiègle Thomas ; moi, j’aime mieux entendre raconter l’histoire de la belle Évangéline que toutes les chansons de l’aveugle Chatigny.

— T’es « bian » fin mon Thomas, dit le père Ambroise, en sortant sa pipe. Je me trompe fort ou tu feras quelque chose de « bian, p’tête bian » un curé. J’ai de belles histoires toutes neuves, de sorciers, de revenants et que sais-je encore. Il y a entre autres mon histoire : Rendez-moi mon Bonnet carré, qui vous fait passer des frissons sur la peau et vous fait redresser les cheveux sur la tête.