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de l’avion qu’il voulait acheter pour l’exploitation de sa mine ; mais il ne demeura pas longtemps dans la métropole américaine. La nostalgie de Québec eut tôt fait de le ramener dans la vieille capitale.

Québec, qui avait autrefois fasciné Jacques au cours de ses années d’études, ne lui procura pas cependant les douces sensations qu’il en attendait. Les soirées de jadis passées sur la terrasse Dufferin, où il écoutait la fanfare militaire, les après-midi de congé dépensés à contempler, même en hiver, cette nature unique au monde, qui dévoile toujours de nouvelles beautés dans ce panorama à perte de vue qui s’étend jusqu’aux frontières américaines, ne lui disaient plus rien. Les vieilles maisons historiques, vestiges de l’épopée française, qui faisaient naguère battre son cœur de patriote, étaient devenues muettes pour lui.

La rue Saint-Jean, qui faisait alors l’objet de ses délices, avec ses nombreux promeneurs à l’air joyeux, derniers vestiges de cette gaieté française, où les francs éclats de rire se mêlent encore aux chansons joyeuses, le laissaient froid ; car son esprit était sans cesse porté vers la Rivière-au-Tonnerre où il avait laissé le meilleur de son cœur.

Jamais le courrier de la Côte Nord ne partait sans contenir une lettre de Jacques à celle qu’il avait choisie entre mille pour être la compagne de sa vie. Il lui adressa le 10 janvier la charmante lettre suivante choisie, entre plusieurs parmi celles qu’Angéline recevait toujours avec joie :


Québec, le 10 janvier 19…


Mademoiselle Angéline Guillou,
Rivière-au-Tonnerre.
Côte Nord du Saint-Laurent.


Ma chère Fiancée,


Deux mois qui m’ont paru deux années, se sont écoulés depuis que je vous ai quittée, par ce beau matin du 20 novembre, où l’air vif du golfe nous fouettait la figure comme pour nous stimuler et nous donner le courage de