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Je n’osai, cependant, formuler mes objections. Ta fierté en eût ôté blessée et, de plus, tu avais signé ton engagement librement et juré fidélité à la reine comme soldat. Je te connaissais assez pour savoir que tu ferais ton devoir jusqu’au bout.

Tu continuas à me tenir au courant des opérations de ton corps de génie. De loin, je te suivais presque pas à pas, sur la carte que tu m’avais fait parvenir par l’entremise du colonel Thibault, quand, soudain tes lettres cessèrent. J’eus beau multiplier mes instances auprès des autorités de la milice, à Ottawa, je n’obtenais que des réponses vagues. Enfin, on m’annonça que tu étais compté parmi les disparus, morts ou prisonniers. Ne recevant plus de nouvelles de toi, je pris le deuil en même temps que ta mère.

L’été suivant, M. Montreuil vint passer la saison balnéaire à Port-Joli et je fis sa connaissance. Il ne tarda pas à se déclarer amoureux de moi. Il avait quarante ans ; j’en avais vingt. Il avait de la fortune et était député au parlement fédéral. Il fit miroiter à mes yeux de vingt ans une suite de projets qui m’éblouirent. Profitant de mon inexpérience, il m’offrit sa main.

Quand il aborda pour la première fois la question de mariage, je pleurai. Je n’avais pas comme aujourd’hui la pudeur de mes larmes.