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plus, le quai n’était pas encore construit, à cette époque déjà lointaine de mon enfance.

Ma race était donc devenue une race de millionnaires et, pourquoi ne pas dire le mot, de jouisseurs ! Le petit vieux aux yeux bleus, la femme au « toutou », les jeunes admiratrices de Maurice Chevalier, M. Latour, M. Dufour, tous ces gens étaient évidemment des millionnaires. Quel drôle d’homme que ce M. Latour ! J’y reviens à dessein. Voici un homme qui s’enrichit en trafiquant avec deux Anglais qui trahissent leur pays. Il s’en vante et s’extasie devant tous les Anglais ! Mais a-t-il oublié ou même a-t-il jamais su que ce village, ces campagnes environnantes avaient été l’objet de la fureur des Anglais, lors de la conquête ? N’ont-ils pas, alors, tout mis à feu et à sang, pour exercer leur exécrable rage contre tout ce qui était français ? Et c’était devant nos cruels vainqueurs que M. Latour s’extasiait. Ah ! oui ! le sens des affaires ! Ils ne l’ont que trop possédé, quand leur prévoyance leur révéla l’avenir brillant réservé à notre beau Canada ! Ils n’ont pas cru, eux, aux arpents de neige de l’ignoble Voltaire. La cour de George III aurait-elle été plus sage que celle de Louis XV ? Il serait presque permis de le croire. Ce que je constate, cependant, c’est que la France perdit, ici, par sa faute, le plus beau joyau de sa couronne.