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l’âme, comme la rosée du matin féconde la fleur qui lui ouvre tendrement ses pétales, pour en recevoir la vie ?

Il me fallait pourtant m’arracher à ce rêve et envisager la réalité. Je devais faire mes adieux à Allie. Allie ! C’était bien elle, cette goutte de rosée qui avait manqué à l’épanouissement de mon cœur ! Je la voyais si calme, si sereine, entourée de ses chers petits ! Les épreuves n’avaient pas altéré la sérénité qui jaillissait de cet être, frêle comme le roseau que le vent agite, mais qui se redresse toujours, malgré la violence de la secousse. N’était-elle pas le refuge assuré de ma Cécile qui, ballottée au gré des flots, sur un navire désemparé, sans voiles et sans boussole, cherchait un abri contre la tempête soulevée par le vent malsain des préjugés ? Je ne voulais pas partir sans assurer l’avenir d’Allie ! Et comment le lui mieux assurer qu’en lui confiant mon enfant ? Elle aimait déjà le Canada, sans le connaître ; elle aimerait aussi Mme  Montreuil, qui avait les mêmes idées qu’elle. Sa mère avait volontairement brisé notre foyer qu’elle aurait pu sauver si elle l’avait voulu, malgré que le fossé creusé entre elle et nous fût profond et que la brèche fût irréparable ! Elle ne l’avait pas voulu ! Mon devoir était donc de franchir le Rubicon et d’assurer à mon enfant un bonheur relatif !