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Pendant de nombreuses années, une famille de douze enfants avait apaisé sa faim autour de cette table hospitalière. Pour la première fois peut-être elle avait refusé la nourriture abondante de jadis quand, le jeudi précédent, Allie s’était trouvée en face d’un reste de poisson, pendant que ses enfants, ignorants de la misère qui les attendait, jouaient gaiement chez leur tante, qui les avait accueillis pour la journée. Non ! Il ne fallait plus que cette misère se renouvelât, dût en souffrir la fierté d’Allie.

— Tu excuseras mon modeste souper, me dit-elle. Il aurait pu être plus modeste encore, ajouta-t-elle en baissant les yeux.

Si le menu n’avait rien d’élaboré, l’odeur des mets était invitante et je mangeai de bon appétit, en faisant honneur à tous les plats.

La conversation, cependant, languit tout le temps du repas. Dans ce silence relatif, je goûtais, outre les plats succulents, cette atmosphère de tranquillité et de paix que procure toujours la présence d’êtres aimés.

— Desservez la table, dit Allie à Marie et à Olive, quand le dessert eut été englouti. Je retournai au vivoir, précédé de mon hôtesse.

— Tu n’as pas encore appris à fumer la pipe ? me dit celle-ci en s’asseyant.

— Non, répondis-je distraitement, les yeux fixés sur l’album. M. Montreuil fumait-il ?