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sonore diffèrent les unes des autres, c’est-à-dire qu’elles ne soient pas toutes d’égale durée, notre organe recevra à chaque instant des ébranlements différents, et on n’entendra dans ce cas qu’un bruit confus. Cette vérité, qui a été dès longtemps reconnue, est une suite nécessaire de ce que l’on a démontré sur les mouvements des cordes vibrantes et sur ceux des fibres élastiques d’air ; car on éprouve tous les jours que les cordes qui produisent les meilleurs sons sont toujours celles qui ont une plus grande uniformité dans toute leur extension, ce qui les rend plus capables des mouvements réguliers et isochrones que nous avons déterminés dans le Chapitre VII. Ainsi l’explication du son et du bruit, que quelques Auteurs ont voulu donner en disant que tout bruit est un, et qu’au contraire tout son est composé, tombe ici d’elle-même, puisqu’elle est tout à fait opposée à ce que nous venons de démontrer.

Supposons à présent que pendant qu’une corde résonne il y ait près d’elle plusieurs autres cordes tendues, il est clair que l’air ébranlé par la première frappera toutes les autres, et que les impulsions reçues par celles-ci répondront parfaitement à chacune des vibrations de celle qu’on fait résonner ; donc, à force de coups réitérés, elles devront de même entrer en vibration ; or, puisque la durée des vibrations des cordes est absolument déterminée par la constitution de la corde même, il s’ensuit que si toutes les cordes sont de même nature, les vibrations naissantes de celles qui sont ébranlées par l’air pur seront toujours favorisées par des impulsions continues qui procèdent de la corde principale ; c’est pourquoi au bout d’un certain temps elles seront aussi forcées de résonner. Au contraire, si les cordes sont telles, que leurs vibrations ne puissent jamais être concurrentes, elles seront tantôt favorisées et tantôt troublées par les impulsions qui procèdent de la corde principale, et ainsi il sera impossible qu’elles reçoivent jamais un mouvement sensible et capable de produire le son qui leur est propre. Supposons à présent que les cordes tendues ne soient pas à l’unisson de celle qu’on fait résonner, mais qu’elles y répondent comme nombre à nombre, il faudra ici distinguer deux cas : lorsque le son de la corde principale est mesuré exactement par ceux des autres cordes, et lorsque ces sons sont seulement com-