qu’on appelait Maline. Elle était bossue et boitait d’une jambe ; aussi la reconnut-il de loin.
La vieille femme marchait droit à la rencontre des loups. Elle ne les avait sans doute pas encore aperçus, et l’habitant de Hede se rendit compte tout de suite que s’il passait devant elle sans l’avertir, elle tomberait entre la griffe des loups, tandis que lui-même échapperait. D’autre part, s’il s’arrêtait et la faisait monter près de lui, elle ne serait guère sauvée davantage. Il était presque certain qu’en ce cas ils seraient tués tous les trois, lui, elle et le cheval. N’était-il pas plus juste de sacrifier une vie pour en sauver deux autres ?
En ce moment les loups poussèrent un hurlement sinistre. Le cheval bondit, prit le mors aux dents, et dépassa la vieille femme. Elle aussi avait entendu le hurlement et avait compris.
L’homme la vit lever les bras en l’air et ouvrir la bouche pour crier. Elle était perdue, mais lui serait sauvé.
Il eut un premier mouvement de soulagement, mais suivi d’une douleur aiguë dans la poitrine. Il n’avait jamais rien commis de déshonorant jusqu’à ce jour. Depuis ce moment sa vie serait détruite.
D’un geste brusque il maîtrisa et arrêta le cheval.
— Viens vite, Maline, cria-t-il. Monte vite dans mon traîneau !
Il parlait durement, car il était fâché contre lui-même qui ne pouvait laisser la vieille femme à son sort.
— Tu ferais mieux de rester chez toi, au lieu de courir les routes, vieille sorcière, grommela-t-il. Voici que le Noir et moi perdrons la vie à cause de toi.