Page:Lagerlöf - Le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson à travers la Suède, trad. Hammar, 1912.djvu/240

Cette page a été validée par deux contributeurs.
218
le merveilleux voyage de nils holgersson

Les bœufs avançaient si lentement qu’on les voyait à peine se mouvoir ; les oies leur crièrent :

— Vous n’arriverez que l’année prochaine. Vous n’arriverez que l’année prochaine.

Les bœufs ne restèrent pas à court de réponse. Ils levèrent leurs mufles en l’air et beuglèrent :

— Nous faisons plus de travail utile en une heure que vous dans toute votre vie.

Çà et là c’étaient des chevaux qui tiraient la charrue. Ils avançaient bien plus vite que les bœufs, mais les oies ne résistèrent pas au désir de les taquiner :

— Vous n’avez donc pas honte de faire une besogne de bœufs ?

Et les chevaux hennissaient :

— Vous n’avez pas honte, vous-mêmes, de faire une besogne de fainéants ?

Tandis que les chevaux et les bœufs étaient au labourage, le bélier restait à la maison et se promenait dans la cour. Il était nouvellement tondu et, agile, s’amusait à culbuter les gamins, à faire rentrer le chien de garde dans sa niche et se pavanait ensuite fier comme s’il avait été le maître du lieu.

— Bélier, bélier, qu’as-tu fait de ta laine ? criaient les oies sauvages en passant.

— Je l’ai envoyée aux fabriques de Drag à Norrköping, répondait le bélier avec un long bêlement.

— Bélier, bélier, qu’as-tu fait de tes cornes ?

Or, à son gros chagrin, le bélier n’en avait jamais eu, et l’on ne pouvait lui faire pire affront que de lui en demander des nouvelles. Il fut si furieux qu’il courut éperdument un long moment tout autour de la cour, en donnant des coups de tête en l’air.

Sur la route un homme cheminait ; il poussait de-