nait sa cour dans les Gaules… » Il est marqué dans les actes de saint Crépin et de saint Crépinien, célèbres martyrs de Soissons, qu’ils furent interrogés par Maximien en personne. On lit les paroles suivantes dans les actes de saint Piat, conservés dans un très-ancien manuscrit de l’abbaye de Saint-Thierry, proche de Rheims. « Dans le même temps que Dioclétien associa à l’empire Maximien, son ancien compagnon de fortune et son frère d’armes, saint Piat fut associé au martyre par saint Quentin… » Les actes de saint Victor représentent Maximien comme un tyran qui faisait couler le sang des Saints par toutes les Gaules. Enfin, tous ces actes s’accordent avec les anciens historiens, qui témoignent que Maximien-Hercule faisait souvent des voyages dans les Gaules, qu’il y séjournait quelque temps, et particulièrement dans la Gaule-Belgique, où l’on trouve quantité de martyrs. Mais comme les révoltes devenaient fréquentes dans l’empire, les deux anciens empereurs se virent obligés de créer deux Césars, pour les associer au gouvernement, et les Gaules échurent à Constance. « Ce prince ne se fit pas seulement aimer, mais révérer des peuples de ces belles provinces ; ce qui augmenta encore l’attachement qu’ils avaient pour sa personne fut que sa puissante protection les mit à couvert des dangereux artifices de Dioclétien, et de l’humeur sanguinaire de son collègue[1]. »
Quelque rigoureux examen et quelqu’exacte recherche que Dodwel ait donc pu faire dans le dessein de diminuer l’idée qu’on a toujours eue de la dernière persécution, il n’y a personne qui ne voie qu’elle a été très-cruelle pendant les dix années qu’elle a duré. Cependant Dodwel ne se rend pas encore, et il ajoute à tout ce qu’il a déjà produit quelques remarques générales touchant cette multitude de martyrs qu’il ne saurait se résoudre de passer à l’Église. Il dit donc que le pouvoir de condamner à mort était réservé aux seuls gouverneurs de province et aux magistrats qui jugeaient avec les gouverneurs, encore fallait-il qu’ils fussent Romains ; qu’il y avait peu de jours dans l’année auxquels on exécutât les criminels ; qu’Eusèbe les réduit à trois ou quatre, et que, si l’on trouve dans cet historien quelques endroits où il semble vouloir faire concevoir un grand nombre de martyrs, il ne faut pas prendre les choses à la rigueur, étant aisé de remarquer, par la suite de son récit, qu’il n’a pas eu dessein qu’on les prît ainsi.
Quoique ce qui a été dit jusqu’ici pût suffire à résoudre ces légères objections, nous ne laisserons pas cependant d’y répondre encore en peu de mots. Certes, il importe peu de quelle autorité on a répandu le sang des martyrs, s’il résulte des faits incontestables que nous avons allégués que dans les bourgs et dans la campagne on a fait mourir des chrétiens aussi bien que dans les villes. D’ailleurs, nous ne disconvenons pas qu’on réservait pour les jours de spectacles la punition des plus insignes criminels ; mais on doit aussi convenir avec nous, que, pour les autres coupables, on les exécutait indifféremment tous les jours de l’année. Enfin, qu’Eusèbe exagère quelquefois des faits dont il diminue ensuite l’idée, c’est de quoi chaque lecteur peut juger en le lisant ; l’endroit que Dodwel rapporte pour prouver ce qu’il avance, est cité du chapitre 9 du livre 8 de l’Histoire ecclésiastique. Certainement Eusèbe y déclare positivement « que les tourments horribles qu’on faisait souffrir aux martyrs, dans la Thébaïde, ne furent pas comme un orage qui ne fait que passer et qui se dissipe en peu de temps ; mais que les tyrans s’y appliquèrent durant plusieurs années, avec une étrange opiniatreté ; en sorte qu’on en envoyait au supplice aujourd’hui dix, une autre fois vingt, et plus ; que souvent cela allait à des trente et à des soixante ; et qu’enfin on en a vu jusqu’à cent, tant hommes que femmes ou enfants, mis à mort en un seul jour. » Dodwel touche aussi quelque chose des persécutions excitées par Licinius et par Julien l’apostat, lesquelles ne peuvent, à la vérité, être comparées avec celles qui les ont précédées, mais qui ne laissent pas d’augmenter le nombre des martyrs. Nous en traiterons plus au long dans le recueil. Enfin, comme nous nous sommes jusqu’ici uniquement renfermés dans le dénombrement des seuls martyrs qui ont enduré sous les empereurs païens, de combien pourrions-nous encore en grossir le nombre, si nous voulions y ajouter tous ceux qui ont perdu la vie par les mains des Perses, des Goths, des empereurs ariens, des Vandales, et de tant d’autres hérétiques ou idolâtres, qui, de tout temps et dans toutes les parties du monde, ont déclaré la guerre à Jésus-Christ et à ceux qui croient en lui ? On peut voir dans notre recueil, ce que nous y avons inséré des martyrs qui, au quatrième siècle, ont souffert sous les rois de Perse et sous les rois des Goths. Mais nous n’avons pas cru devoir rien dire des autres, notre dessein ne nous permettant pas de nous étendre au-delà des quatre premiers siècles de l’Église.
Tous les titres, au reste, que nous avons produits, et toutes les preuves que nous avons avancées pour
- ↑ Eutrop. l. 10.