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parlant de Florus, proconsul de Numidie, « les fidèles, dit-il, sous le tyran Florus étaient traînés aux temples des faux dieux… » Au reste, il prend soin de marquer précisément le temps de cette persécution, en ces termes : « il peut y avoir soixante ans que la persécution dont je parle, comme un furieux orage, ravagea toute l’Afrique : plusieurs fidèles y périrent ; les uns méritèrent la couronne du martyre ; les autres ne remportèrent que celle de confesseur, et il y en eut aussi quelques-uns qui n’y trouvèrent qu’une mort funeste. »

Le même Optat est témoin comme quoi cette persécution dura jusqu’à l’année trois cent onze, que Sévère-César fut tué. « Dieu commanda aux flots de se calmer, et la tempête s’apaisa. » Maxence donna la paix à l’Église d’Afrique ; l’Italie en jouissait déjà, si toutefois un tyran comme Maxence eût pu donner la paix[1]. Maximien Hercule reprit même alors la pourpre, à la sollicitation de Maxence ; « et s’étant fait simple particulier, d’Auguste qu’il était, il se fit de simple particulier un persécuteur public[2]. »

Dodwel ne se contente pas d’avoir exempté l’Afrique de la persécution ; il en veut encore exempter l’Espagne, et il la met pour cela parmi les provinces échues à Constance, sur ce que Victor ne dit point qu’elle fût soumise à aucun des autres empereurs : il est vrai, mais Victor ne dit pas non plus qu’elle le fût à Constance, au lieu que Lactance dit formellement qu’elle obéissait à Maximien-Hercule, et il est surprenant que Dodwel n’ait pas observé ce fait, ou l’ait dissimulé. Le même auteur assure, ainsi que nous l’avons déjà remarqué, que toute la terre gémissait, depuis l’Orient jusqu’à l’Occident, sous la cruelle oppression de trois bêtes carnassières, si l’on en excepte seulement les Gaules. Les Donatistes, au rapport d’Optat, ne font aussi que les Gaules exemptes de la persécution ; c’est ce qui leur faisait demander des juges tirés de ces provinces. Ajoutez à cela quelques canons du concile d’Elvire, touchant ceux qui étaient tombés durant la persécution, et la confession qu’on croit que fit pour lors le grand Osius. Tout cela prouve sans doute que la persécution n’avait pas épargné l’Espagne.

Il semblerait qu’on pourrait conclure de ce que nous venons de dire, que toute cette persécution ne fit aucun martyr dans la Gaule. Cependant, non-seulement ses provinces, mais aussi presque toutes les villes réclament contre ce sentiment, et leur tradition la plus constante est qu’elles doivent la plupart de leurs martyrs à ce dernier âge des persécutions. Les savants estiment qu’il est facile de résoudre cette difficulté, en présupposant que dans les commencements de la persécution, Constance étant occupé de la guerre qu’il avait à soutenir contre les Barbares, plusieurs chrétiens furent emportés, soit par des émotions populaires, soit parce qu’il se trouva des gouverneurs dont le génie était enclin à la cruauté. Quoi qu’il en soit, il est certain qu’Eusèbe met les Gaules au nombre des provinces qui furent, durant deux ans, agitées de ces mouvements[3], et personne ne peut nier que les édits n’y aient été publiés ; ce que Lactance même, quelque dévoué qu’il soit au père du grand Constantin, ne peut s’empêcher d’avouer. « Constance, dit-il[4], pour ne paraître pas condamner entièrement la conduite de ceux qui l’avaient précédé et renoncer tout à fait à leurs maximes, ne s’opposa pas à la démolition des lieux où les chrétiens s’assemblaient. » Il faut encore qu’il demeure d’accord que ce prince, même après avoir été salué empereur, ne se mit point en devoir de révoquer ces édits. « Car après sa mort, la première chose que fit Constantin, son fils et son successeur à l’empire, fut de rendre aux chrétiens le libre exercice de leur religion. Ce fut là la première ordonnance que fit ce grand prince, en montant sur le trône des Césars. »

On ne doit pas, au reste, inférer de là que la tradition des Églises des Gaules soit fausse, parce qu’il n’y a peut-être pas un seul de leurs martyrs qui paraisse avoir souffert sous le règne de Constance. Les martyrologes les mettent tous sous Maximien, ou sous Dioclétien et Maximien, aussi bien que les actes des martyrs mêmes, lesquels, quoiqu’ils ne partent pas de la première main et qu’on ne puisse pas dire que ce soient les véritables originaux, ne laissent pas toutefois d’être très-anciens, quelques-uns se trouvant dans des manuscrits qui ont neuf cents ans d’antiquité. Les actes de saint Firmin, évêque d’Amiens, sont datés du règne de Dioclétien et de Maximien, comme aussi ceux de saint Juste ou Justin, jeune enfant né à Auxerre et martyrisé dans le Beauvoisis ; ceux de saint Donatien et de saint Rogatien, de Nantes ; de sainte Macre, vierge, de Rheims ; de saint Caprais, martyr d’Agen, et de sainte Foi, vierge, de la même ville. Il y a même de ces actes qui marquent expressément que Maximien était alors dans les Gaules, et c’est ainsi que commencent les actes de saint Fuscien, de saint Victoric et de saint Gentien. « En ce même temps, disent ces Actes, le cruel empereur Maximien te-

  1. Euseb. l. 8, c. 14.
  2. Oros.
  3. Lib. de mart. Palæst. c. 15.
  4. Ibid. c. 15.