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13. persécution sous valérien.

La troisième persécution que saint Cyprien ait vu allumée dans l’Église, et dont il a été lui-même enfin consumé, est celle de Valérien. Ce prince, au commencement de son règne, était assez bien intentionné envers les chrétiens, mais il changea ensuite de sentiments, et se laissant aller aux mauvais conseils de Macrien, fameux magicien, et le chef des magiciens de l’Égypte, il persécuta les fidèles avec tant de fureur qu’il mérite de tenir un des premiers rangs parmi les plus cruels persécuteurs de l’Église. Lactance dit qu’en très-peu de temps il répandit beaucoup de sang[1]. D’où Dodwel conclut que, puisque la persécution fut courte, le nombre des martyrs ne fut pas grand ; nous, au contraire, nous disons que le nombre des martyrs fut très-grand, quoique le temps de la persécution fût court.

Il est certain qu’elle fut violente dès son commencement, cela se voit par une lettre de saint Cyprien, écrite aux confesseurs condamnés aux métaux[2] : Il les félicite de ce que, par les mauvais traitements qu’ils endurent, ils se frayent un chemin au martyre. « Une partie, ajoute-t-il, y est déjà parvenue avec beaucoup de gloire, et l’autre partie, enfermée dans des cachots et reléguée dans les mines, marche, quoique plus lentement, dans cette glorieuse carrière. » Que Dodwel nous dise tant qu’il lui plaira, qu’il n’y eut que les évêques et les ecclésiastiques qui souffrirent alors ; saint Cyprien nous assure du contraire. « La plus grande et la plus saine partie du troupeau, continue ce Saint, a suivi l’exemple de ses pasteurs ; le peuple a confessé Jésus-Christ, aussi bien que les évêques, et la même main a couronné les uns et les autres. Les jeunes enfants et les vierges n’ont pas cru que leur âge ni leur sexe pussent les exempter de mourir avec leurs frères… » Au reste, saint Cyprien écrivait ceci la première année de la persécution[3] ; mais un nouvel édit de Valérien la porta l’année suivante jusqu’à l’excès. Ce fut pour lors que le pape saint Sixte fut martyrisé à Rome, et qu’enfin saint Cyprien lui-même perdit la tête à Carthage. L’orage alla fondre ensuite sur la Numidie et sur les autres provinces d’Afrique, où il enleva saint Jacques, saint Marien et saint Montan, tous disciples de saint Cyprien. On dit que saint Montan humilia quelques hérétiques qui disputaient à l’Église son heureuse fécondité en martyrs, qu’il les confondit, et qu’il les convainquit d’erreur. Saint Denys d’Alexandrie fut aussi arrêté avec quelques autres[4]. Nous rapportons ailleurs ce qui se passa dans les autres provinces : Grégoire de Tours[5] nous a donné l’histoire de quelques martyrs qui périrent dans une irruption que des Barbares firent dans les Gaules[6], entre lesquels il nomme Cassius et Victorin, Antolien et Limien, et saint Privat, évêque.

L’empereur Valérien ayant été fait prisonnier par les Perses, qui le traitèrent avec beaucoup d’indignité, comme s’ils eussent eu dessein de venger les chrétiens, son fils Gallien rendit la paix à l’Église, qu’aucun des empereurs qui régnèrent jusqu’à Dioclétien ne troubla par ses édits, si toutefois on en excepte Aurélien[7]. Ce n’est pas qu’il n’y eût des martyrs ; mais les magistrats qui les faisaient mourir, lorsque leur humeur ou leur intérêt les portaient à la cruauté, se couvraient, pour l’exercer plus sûrement, de l’autorité des lois anciennes.


14. martyrs sous les règnes de carus et d’aurélien.

La chronique d’Alexandrie met sous le règne de Carus la mort de plusieurs martyrs, parmi lesquels elle nomme saint George et saint Babilas, évêque d’Antioche. Mais l’auteur de cette chronique pourrait bien n’avoir pas observé dans toute l’exactitude l’ordre et la suite des temps. C’est pourquoi nous n’en dirons rien davantage, et nous passerons à la persécution d’Aurélien.

Dodwel ne met aucun martyr sous Aurélien, parce que la persécution fut, dit-il, à la vérité, résolue, mais on n’en vint pas jusqu’à l’exécution. Et il fait ce qu’il peut pour s’autoriser du témoignage d’Eusèbe et de celui de Lactance, que nous convenons avec lui devoir servir de règle, et être une décision en cette matière. Or, Eusèbe[8] dit qu’Aurélien, après avoir été à l’égard des chrétiens dans des dispositions assez favorables, vint à changer de sentiments dans la suite, et, suivant l’avis de quelques personnes de son conseil, il prit la résolution de persécuter les fidèles. « Déjà, dit cet historien, le bruit s’en répandait de tous côtés ; mais comme l’empereur était sur le point de signer les édits qui avaient été concertés contre nous, la justice divine arrêta sa main… » Pour Lactance, il dit qu’Aurélien ne put exécuter ce qu’il avait projeté, et qu’à peine sa fureur avait-elle commencé à s’al-

  1. Lib. de mort. pers. c. 5.
  2. Epist. 76.
  3. L’an 257.
  4. Apud. Euseb. 1. 7, c. 1.
  5. Lib. 1, hist. c. 33.
  6. En Auvergne.
  7. Lact. de mort. pers. c. 5.
  8. L. 6, c. 30.