lons d’un essaim de mouches, et l’autre, couché mollement sur un lit de roses, fut livré aux caresses impudiques d’une courtisane aussi belle qu’effrontée.
Dodwel rapporte l’endroit d’une lettre[1] écrite par saint Cyprien et les autres évêques d’Afrique, par lequel il prétend prouver que la persécution que l’empereur Gallus excita contre l’Église fut beaucoup plus cruelle que n’avait été celle de son prédécesseur Dèce. Car ces prélats avertissent par cette lettre le pape saint Corneille, « que le Ciel leur a fait entendre par des signes et par des révélations que le jour du combat approchait ; qu’il devait dans peu s’élever un ennemi redoutable, et qu’il fallait se préparer aux plus furieux assauts et aux attaques les plus sanglantes que les fidèles eussent jamais essuyés. » Dodwel infère de ces paroles que la persécution de Gallus ayant été, selon saint Cyprien, bien plus âpre que celle de Dèce, celle de Dèce a fait peu de martyrs, puisque, selon le même Saint, celle de Gallus, pour n’avoir pas été de longue durée, en avait couronné fort peu. Je réponds à cela que, quand bien même cet endroit de la lettre des évêques d’Afrique devrait s’entendre de Gallus et non de Valérien, ainsi que plusieurs auteurs, et entr’autres celui de l’édition d’Oxfort, soutiennent qu’il le faut entendre ; je réponds, dis-je, que l’induction de Dodwel n’en aurait pas plus de force ; car enfin, si nous avons prouvé avec quelque sorte d’évidence, que le nombre des martyrs qui ont souffert sous Dèce a été très-considérable, que peut-on inférer de cet endroit, sinon que bien loin de diminuer le nombre des martyrs en général, il faut, au contraire, l’augmenter. Mais il est vrai que la persécution de Gallus peut en un sens être appelée plus rude que celle de Dèce, en ce qu’elle s’éleva tout-à-coup comme un vent furieux, qui en un instant arrache, abat, renverse tous les arbres d’une forêt, ou qui disperse en moins de rien, écarte, dissipe, coule à fond une flotte. Telle fut cette persécution à l’égard du pape saint Corneille, de son clergé et de son peuple, comme nous l’apprenons de saint Cyprien[2]. « L’ennemi, dit-il, s’est présenté ; il a jeté l’épouvante dans le camp de Jésus-Christ ; mais il s’est retiré avec la même vitesse qu’il était venu ; » car tous les chrétiens, s’étant réunis comme en un gros, se présentèrent au martyre, ainsi que nous l’apprend encore le saint évêque de Carthage, par ces paroles : « Votre peuple (c’est à saint Corneille qu’il parle), votre peuple apprenait de vous, dans ce combat, à se rallier aux prêtres comme à ses chefs, à tenir ses rangs serrés, et à marcher à l’ennemi, non par détachements, mais en corps d’armée. » Il répète la même chose et presque aux mêmes termes, dans la lettre qu’il écrit à Lucius, qui avait succédé à Corneille, mort en exil. Pacien, évêque de Barcelone, reproche à Novatien, dans une de ses lettres, qu’il n’avait jamais rien souffert pour la foi, au lieu que saint Corneille avait eu à soutenir en plus d’une rencontre les emportements d’un prince furieux. Mais ce qui ne doit laisser aucun doute que cette persécution n’ait été très-cruelle, c’est que Dieu voulut bien faire connaître par diverses révélations aux évêques d’Afrique qu’ils devaient recevoir à la participation de la sainte Eucharistie ceux qui étaient tombés durant la dernière persécution, de crainte qu’étant privés d’un si puissant secours, ils manquassent de forces pour le martyre. Le traité que saint Cyprien écrivit alors, et qu’il adresse à Démétrien, marque assez qu’elle fut de la dernière violence. « Vous chassez de leurs maisons, lui dit-il, des gens qui sont innocents et que Dieu chérit pour leurs vertus : vous les dépouillez de leurs biens, vous les chargez de chaînes, vous les jetez dans des prisons obscures, vous les faites périr par le fer et par le feu… vous livrez leurs corps à de longs tourments, vous ajoutez supplices à supplices ; et votre cruauté ne se contentant pas des tourments ordinaires, devenue ingénieuse pour perdre tant de Saints, elle en invente de nouveaux, inconnusjusqu’ici aux tyrans les plus inhumains. »
L’on croit pouvoir attribuer cette persécution à une cause qui n’était pas moins funeste. C’est une peste horrible, qui, ravageant toute la terre, porta l’empereur Gallus à faire un édit qui obligeait toutes sortes de personnes, sans aucune distinction, de sacrifier à Apollon le libérateur. « Ces jours passés, écrit saint Cyprien au pape Corneille[3], il arriva ici une émotion populaire, à l’occasion de certains sacrifices qu’il était ordonné par un édit exprès dans le cirque, d’offrir pour la santé publique, et l’on cria par deux fois qu’il fallait me donner au lion… » Ce fut encore en cette rencontre qu’il composa le livre qui a pour titre : Exhortation au martyre, où il avoue « qu’on ne peut savoir le nombre des martyrs du nouveau Testament, et que ce sont ceux que saint Jean, dans son Apocalypse, désigne par ces paroles : J’ai vu une multitude innombrable de personnes de toute nation… » Il assure la même chose dans son livre des témoignages[4].