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Et auparavant il avait fait mention du proconsul Asper, que Dodwel lui-même avoue en avoir exercé la charge en Afrique, sous l’empire de Caracalla. Voici donc comme Tertullien parle, dans cet ouvrage, de la persécution qui paraissait être alors fort échauffée : « On ne nous voit point trembler à la vue des tourments, parce que nous n’avons embrassé la religion que nous professons, qu’à condition que nous serions toujours prêts à combattre contre vos injustes violences ; c’est un engagement que nous avons pris en nous faisant chrétiens… En effet, votre cruauté et notre patience se disputent tour à tour la victoire… » On apprend du même auteur que la persécution se faisait aussi sentir dans les autres provinces, mais moins vivement qu’en Afrique ; car on se contentait là d’égorger les chrétiens, et ici on les brûlait tout vifs. Et qu’on ne nous objecte pas que Caracalla, nourri d’un lait chrétien, comme parle Tertullien, n’avait garde de s’élever contre une religion qu’il avait sucée avec cette première nourriture. Car, outre que ce prince pouvait bien n’avoir aucune part à toutes les violences qu’on exerçait alors, c’est qu’on ne se persuadera jamais que le plus infame de tous les hommes, et dont les mœurs étaient si éloignées de la pureté de celles des chrétiens, leur ait été favorable en considération de leur religion.


9. héliogabale.

On ne trouve plus d’empereur jusqu’à Maximin, qu’on puisse mettre au nombre des persécuteurs de l’Église, quoiqu’il y ait beaucoup d’apparence que, durant tout cet intervalle, elle n’ait pas été sans persécution ni sans martyrs. Il est certain qu’Héliogabale, au rapport de Lampride, déclara nettement qu’il ne voulait point qu’on adorât, dans tout l’empire, d’autre dieu que lui, et qu’il fallait que les chrétiens abandonnassent là leur Dieu et n’offrissont plus qu’à lui leurs vœux et leurs adorations. Dodwel conclut de là qu’Héliogabale fit quelque distinction des chrétiens, et qu’il les considéra comme étant particulièrement à lui. Je ne comprends pas sur quoi l’on fonde cette conjecture, si l’on ne veut dire que les chrétiens, pour mériter les bonnes grâces de l’empereur, voulurent bien adorer le soleil.


10. alexandre.

Pour Alexandre son successeur, personne ne peut ne pas convenir qu’il n’ait été très-favorable à notre religion, à moins qu’on ne veuille démentir toute l’antiquité, et il est sans doute surprenant qu’il se soit trouvé des auteurs qui aient donné à son règne un si grand nombre de martyrs. Doit-on attribuer cette méprise à une prétendue cruauté des gouverneurs de province de ce temps-là, ou doit-on dire que quelques martyrs qui avaient souffert sous Sévère aient été mis par mégarde sous Alexandre, qui portait aussi le nom de Sévère ? Quoi qu’il en soit, le pape Caliste, qui mourut alors, est nommé entre les martyrs dans le calendrier de Buchérius.


11. persécution sous maximin.

Après qu’Alexandre eût été tué, Maximin, qui lui succéda, renouvela la persécution contre les chrétiens, en haine de son prédécesseur, dont presque toute la maison, au rapport d’Eusèbe[1], avait embrassé le christianisme. Capitolin dit que Maximin fit mourir en diverses manières les officiers et les domestiques d’Alexandre, et par conséquent plusieurs chrétiens. Cette persécution enleva à Origène deux de ses amis, Ambroise et Protectus, prêtres de Césarée : dès qu’il eût appris qu’ils avaient été arrêtés, il leur adressa le livre qui a pour titre : Exhortation au martyre, qu’il écrivit exprès pour eux. Au reste, quoique Maximin, si l’on en croit Eusèbe, n’en voulût qu’aux chefs des Églises, la persécution ne laissa pas, dans quelques provinces, de s’étendre jusqu’aux simples fidèles. Nous apprenons d’une lettre de saint Firmilien[2], que Sérénien, gouverneur de Cappadoce, exerçait de grandes cruautés sur les chrétiens de sa province. Le pape saint Poncien, dont le calendrier de Buchérius fait mémoire aux ides d’août[3], fut emporté par cet horrible tourbillon, quoique, à la vérité, le catalogue des papes, qui fut dressé sous le pontificat de Libère, fasse reléguer saint Poncien en Sardaigne, avec saint Hypolite, prêtre du clergé de Rome, et marque sa mort dans cette île le 4 des calendes d’octobre[4]. Anthère, successeur de Poncien, ne tint le siége qu’un mois ; mais nous n’avons rien de certain touchant son martyre.

Cette persécution dura trois ans, c’est-à-dire tout le règne de Maximin, selon le témoignage de deux célèbres historiens[5] : Dodwel, au contraire, ne la fait durer qu’un an, mais sans aucun fondement, comme le prouve très-bien le savant père Pagi[6].

Cet empereur, au reste, a été si cruel, qu’on l’a

  1. Lib. 6, hist., c. 28.
  2. Inter. Cypr. 75.
  3. Le 13.
  4. Le 28 septembre.
  5. Eus. l. 6, c. 28. Ruf. l. 6, с. 19.
  6. Ad ann. 255 et 238.