jours plusieurs personnes qui savent fort bien que, s’ils confessent Jésus-Christ, on les fera mourir et qu’au contraire ils seront renvoyés absous et mis en liberté, s’ils le renoncent : cependant leur foi est si grande et leur piété si sincère qu’elle leur fait mépriser généreusement la vie et courir volontairement à la mort. Et dans son commentaire sur l’épître aux Romains[1] il assure qu’on voit souvent des hommes qui se présentent devant les juges, de leur propre mouvement et sans y être forcés, et qui croient que c’est peu pour eux d’endurer quelques affronts pour Jésus-Christ, s’ils ne souffrent encore pour lui la mort la plus cruelle. Il dit enfin, en un autre endroit[2], que, quoiqu’il y ait une peine de mort décernée contre ceux qui se trouveront aux assemblées des fidèles, elles ne laissent pas d’être très-nombreuses. » Le lecteur remarquera qu’Origène écrivait ceci avant les horribles boucheries des Décius, des Valériens et des Dioclétiens.
Mais le grand Irénée, plus ancien qu’Origène et parfaitement instruit des affaires de l’Église grecque et de l’état de l’Église latine, ayant reçu de celle-là les premières connaissances de la religion chrétienne, et vivant actuellement dans celle-ci ; le grand Irénée, dis-je, n’admet pas seulement cette multitude de martyrs, mais il veut qu’elle soit la marque à laquelle on puisse reconnaître la véritable Église et la discerner des autres sectes. C’est dans son livre contre les hérésies, c’est-à-dire dans un ouvrage composé, de l’aveu même de Dodwel, avant la persécution de l’Église de Lyon et au commencement de l’empire de Marc-Aurèle. Voici ses paroles[3] : « Partout où l’Église se rencontre, cette sainte Mère envoie au ciel avant elle, par le martyre, une multitude de ses enfants, qu’elle offre au Père comme un gage de l’extrême amour qu’elle a pour lui. Mais les autres assemblées non-seulement n’ont point de martyrs ; … il n’y a que l’Église qui aime à souffrir les opprobres, pour témoigner à Dieu quel est l’excès de sa charité, et quelle est la grandeur de la foi qui lui fait confesser hautement Jésus-Christ. Souvent on l’a vue s’affaiblir par la perte de son sang et de ses membres, puis tout à coup se rétablir, reprendre de nouvelles forces, et redevenir mère d’un plus grand nombre d’enfants. Nous rapporterons les témoignages des autres Pères, lorsque nous traiterons des persécutions en particulier. Voyons cependant s’il est vrai qu’Eusèbe soit aussi favorable à Dodwel, qu’il ose s’en vanter.
10. réponse a une objection de dodwel, tirée d’eusèbe.
Eusèbe, comme nous l’avons déjà remarqué, avait recueilli dans deux ouvrages différents, les noms de tous les martyrs qui avaient pu venir à sa connaissance : le premier de ces recueils comprenait les martyrs anciens ; et le second, les martyrs qui de son temps avaient souffert dans la Palestine. Nous donnerons celui-ci tout entier, et lorsque nous y aurons joint ce que le même auteur rapporte ailleurs de la même persécution, le lecteur pourra juger si Dodwel peut avec justice prétendre d’avoir Eusèbe dans son parti. À l’égard du premier recueil, qui ne se trouve plus depuis plusieurs siècles, Dodwel nous dit d’un ton affirmatif que par l’histoire même d’Eusèbe on doit conclure qu’il ne contenait qu’un très-petit nombre de martyrs. Il nous aurait fait plaisir de produire ces passages prétendus de l’histoire ecclésiastique, puisqu’il est constant, par divers endroits de cette histoire, que son auteur a reconnu une infinité de martyrs, quoiqu’en effet il n’en ait nommé que très-peu. Nous ne chercherons point d’autres interprètes de la pensée d’Eusèbe, qu’Eusèbe même[4]. Il dit donc que, durant la persécution de Trajan, plusieurs fidèles soutinrent généreusement le combat, quoiqu’ils se vissent attaqués de tous côtés par divers tourments. Il assure que, sous Antonin, la constance d’une infinité de martyrs se fit admirer de tout l’univers. Il décrit la persécution que Sévère alluma, pendant laquelle on vit d’illustres athlètes combattre pour la piété et pour la foi, dans toutes les Églises du monde. Il parle dans les mêmes termes des persécutions de Dèce et de Valérien.
Pour ce qui regarde Prudence, l’on ne peut pas dire qu’il favorise le moins du monde Dodwel, si l’on ne nous fait voir que ce prince des poètes chrétiens s’est engagé à chanter dans ses vers tous les martyrs qui furent jamais. Il fait l’éloge de plusieurs, il ne dit rien aussi de plusieurs ; mais il est étonnant que sa muse ne lui ait rien inspiré pour l’illustre Léocadie, dans l’Église de laquelle fut tenu le quatrième concile de Tolède.
11. dernière preuve de dodwel, fondée sur la clémence des empereurs.
Voici enfin la dernière ressource de Dodwel ; c’est la clémence des empereurs romains. « Il y a eu peu d’empereurs, dit-il, qui aient persécuté l’Église ;