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ses écrits la mémoire de saint Platon, martyr, et de saint Onésime, élève de saint Paul. Et enfin saint Augustin a donné des louanges à la jeunesse de Némésien[1], pour avoir répandu son sang innocent pour Jésus-Christ, aussi bien qu’à Salvius, à Catulien et Agilée, dont ce saint orateur a rendu le nom immortel par son éloquence. Ajoutez Papias, martyr de Philadelphie ; Mercure et Aquilina, nommés avec honneur dans la chronique pascale ; Mocius, loué par Sozomène[2] ; Acace, par Socrate ; Euphrosine, par saint Avit de Vienne ; Péregrin premier évêque d’Auxerre, par l’auteur de la vie de saint Germain, son successeur ; Timothée, Thea et Maure, martyrs de Gaze, dans la vie de saint Porphire ; Saturnin, martyr de Sardaigne, dans la vie de saint Fulgence, Polieucte, Ménas et trente-trois autres martyrs, dans la vie de saint Euthyme, et Janvier, évêque de Naples, dans l’oraison funèbre de saint Paulin. Ajoutez encore à tant de saints martyrs la famille entière des Cantiens, martyrs d’Aquilée, dont Fortunat a chanté la victoire ; Sirus de Gênes, Eutiche de Férentino, Procule, Sabin, Érasme, Césaire, Marthe, Julienne, et le fameux saint Christophe, dont les actes sont si défectueux, tous préconisés par saint Grégoire-le-Grand, et tant d’autres enfin, dont les noms se lisent dans les auteurs ecclésiastiques, et que nous sommes contraints d’omettre pour passer à d’autres preuves.


8. sentiments des pères du quatrième et cinquième siècle,
touchant le nombre des martyrs.

Si nous consultons maintenant les Pères du quatrième et du cinquième siècle, touchant le nombre des martyrs, ils nous diront tous qu’il est presque infini. Des milliers de martyrs, disait saint Augustin à son peuple, vous environnent de tous côtés. Mille et mille martyrs, dit-il ailleurs, ont rougi la terre de leur sang. La terre, depuis Étienne, dit-il en un autre endroit, regorge du sang des martyrs. Et écrivant contre Fauste, il lui dit : des milliers de nos martyrs se présenteront devant vous[3]. Il les compte par légions ; il assure qu’on ne peut les compter ; et, à l’occasion de la pêche de saint Pierre, il se fait à lui-même cette question : Mais quoi, y aura-t-il tant de Saints dans le ciel ? Et il répond ainsi : Oui ; car enfin, sans parler des fidèles qui d’une vie sainte passent à une vie bienheureuse, quand il n’y aurait que les seuls martyrs, quelle prodigieuse multitude ! C’est le sentiment de saint Athanase, de saint Ambroise, de saint Jérôme, de saint Chrysostome, de saint Astère, et généralement de tous les Pères et de tous les auteurs ecclésiastiques.


9. réponse a une objection de dodwel, prise d’origène mal entendu.

Voici un passage d’Origène, qui semble favoriser l’opinion de Dodwel, et qui toutefois bien entendu lui devient tout à fait inutile. Ce savant Père, écrivant contre Celse[4], lui dit qu’on peut facilement compter les chrétiens qui sont morts pour leur religion, parce qu’il en est mort peu, et seulement de temps en temps et par intervalle. Mais Origène, par ces paroles, ne prétend prouver autre chose, sinon que les persécutions qui s’étaient élevées contre les fidèles n’avaient pas été si violentes qu’elles eussent été capables d’exterminer entièrement les chrétiens, et qu’on pouvait dire qu’il n’en était mort que très-peu, si on les comparait à ceux qui restaient. Dieu, ajoute-t-il, s’opposant à la ruine générale de ces hommes consacrés à son culte. Il faut remarquer ici que le dessein d’Origène n’est autre chose que de montrer à Celse que la religion chrétienne ne devait pas sa naissance à une sédition et à un esprit de révolte, comme ce philosophe le reprochait faussement aux chrétiens, « puisqu’ils n’ont jamais eu recours aux armes pour défendre leur vie contre ceux qui l’attaquaient, et que leurs lois, au contraire, les obligent de tendre le cou à leurs ennemis, et de se laisser égorger comme de paisibles brebis. Ainsi, de peur que cette douceur et cette patience ne vint à causer leur ruine entière, et afin que les plus faibles ne fussent pas exposés sans cesse aux frayeurs d’une mort toujours prochaine, Dieu, par sa bonté, avait bien voulu pourvoir à leur sûreté, et avait d’un seul clin-d’œil renversé les cruels projets de leurs ennemis, et rendu leurs efforts impuissants, en sorte que ni les rois, ni les gouverneurs de province n’avaient plus aucun pouvoir de leur nuire. » Et il est certain, par d’autres passages d’Origène, qu’il était fort persuadé de cette multitude de martyrs. « Il n’y a point de ville, dit-il dans une de ses homélies[5], où le nom des chrétiens ne soit en horreur ; tous les hommes, de quelque rang et de quelque condition qu’ils soient, s’unissent ensemble pour les détruire. Il dit ailleurs[6] : nous voyons tous les

  1. Ser. 286.
  2. Lib. 8. c. 17. Lib. 6, c. 23.
  3. Serm. 4. de temp. Serm. 300. Serm. 313. Serm. 321 Trac. 113. in Joan., serm. 252, cap. 8.
  4. Lib. III.
  5. Hom. 9, in Josue
  6. Lib. 2. contra Celsum.