d’expérience dans les affaires lui faisant justement redouter une charge si pesante ; qu’au surplus, si Galère était jaloux du titre d’Auguste, il consentait à le lui donner, ainsi qu’à Constance, afin qu’il n’y eût plus de distinction entre eux tous. Galère, qui aspirait à la domination de l’univers et qui voyait que la qualité d’Auguste ne serait qu’un vain titre, lui répliqua qu’il fallait, selon qu’il l’avait sagement ordonné, qu’il n’y eût que deux empereurs qui choisiraient chacun un César pour les aider ; que la bonne intelligence pouvait subsister entre deux princes d’une égale autorité, mais que quatre souverains d’accord serait une chose inouie ; que si Dioclétien faisait difficulté de renoncer à l’empire, il penserait lui à ses affaires, et qu’il était las d’être subalterne ; que depuis quinze ans il était relégué en Illyrie, c’est-à-dire, sur les bords du Danube, où il avait à combattre avec des barbares, tandis que les autres régnaient agréablement sur des provinces vastes et tranquilles.
À ce discours, Dioclétien affaibli par la maladie, instruit d’ailleurs par les lettres du vieux Maximien que Galère voulait exécuter le projet qu’il annonçait et que son armée grossissait, dit les larme aux yeux :
Dioclétien. Ceci peut se faire ; mais il convient que les Césars soient élus d’un commun accord.
Galère. À quoi bon délibérer ? N’est-il pas nécessaire que les deux autres en passent par ce que nous aurons réglé ?
D. À la bonne heure ; il convient en effet de donner à leurs fils la qualité de Césars. (Le vieux Maximien avait un fils, nommé Maxence, gendre de Galère ; mais il était si mal né et d’un tel orgueil qu’il dédaignait d’honorer son père et son beau-père : aussi était-il haï de l’un et de l’autre. Constantin, fils de Constance, était un jeune prince de grande espérance, très-digne de sa haute naissance, bien fait, brave, vertueux, extrêmement affable, aimé des soldats et désiré de tout le monde. Il était alors à la cour de Dioclétien, qui, depuis longtemps, l’avait créé tribun du premier ordre.)
D. Que ferons-nous donc ?
G. Maxence n’est pas digne de cet honneur ; car si, n’étant que particulier, il m’a méprisé, que ne ferait-il pas quand il serait parvenu à l’empire ?
D. Constantin est universellement aimé, et l’on est persuadé qu’un jour il surpassera son père en bonté et en clémence.
G. Il arrivera de là que je ne pourrai faire ce que je voudrai. Il faut donc choisir des Césars dont je puisse disposer, qui me craignent, qui ne fassent rien sans mon ordre.