XV.
L’empereur[1] faisait ressentir les effets de sa colère, non-seulement à ses domestiques, mais encore à toutes sortes de personnes. Il contraignit Valérie, sa fille, et Prisca, sa femme, de sacrifier aux idoles. On mettait à mort les plus puissants eunuques qui, par leurs conseils, avaient rendu de grands services. On arrêtait les prêtres et les autres ministres de la religion, et on les conduisait au supplice sans qu’ils fussent convaincus des crimes qu’on leur imputait. On condamnait aux flammes les personnes de tout âge et de tout sexe ; et comme ils étaient en très-grand nombre, on ne les brûlait plus séparément, mais en masse ; on jetait les domestiques dans la mer, après leur avoir attaché une pierre au cou. La persécution était générale. Les magistrats, dispersés dans les temples, forçaient tout le monde à sacrifier. Les prisons étaient pleines. On imaginait de nouveaux genres de tortures ; et de peur que, sans y penser, on ne rendit justice à quelqu’un, on dressa des autels dans les greffes et devant les tribunaux, afin que les clients offrissent des sacrifices avant que de plaider leurs causes. Ainsi on se présentait devant les juges comme devant les dieux. On avait écrit à Maximien et à Constance de tenir la même conduite à l’égard des chrétiens, quoiqu’on n’eût pas pris l’avis de ces deux princes sur une affaire de cette importance. Le vieux Maximien, naturellement cruel, exécuta cet ordre par toute l’Italie. Quant à Constance, pour ne pas paraître désapprouver la résolution des empereurs, il permit de renverser quelques édifices destinés au culte des fidèles et qui pouvaient se rétablir avec le temps ; mais il ne souffrit pas que l’on touchât au vrai temple de Dieu, qui est dans les hommes.
XVI.
Toute la terre, excepté les Gaules, depuis l’Orient jusqu’à l’Occident, était livrée en proie à la fureur de trois monstres barbares. Eussé-je cent langues et cent bouches, avec une voix de fer, je ne pourrais raconter les divers tourments qu’on fit souffrir aux fidèles[2], tout innocents qu’ils étaient. Mais qu’est-il besoin de les rapporter, à vous surtout, mon cher Donat, qui avez senti plus que personne les secousses de cette horrible tempête ? Car, étant tombé entre les mains du préfet Flaccin, ce meurtrier fameux, ensuite entre celles du président Hiéroclès, auteur et promoteur de tant de cruautés, et enfin entre celles de Priscillien, son successeur, vous leur avez donné à tous les preuves d’un courage invincible. Neuf fois exposé à diverses tortures, neuf fois par