XIII.
Le lendemain parut un édit qui déclarait infames tous ceux qui professaient la religion chrétienne ; qui les soumettait aux tortures, de quelque condition qu’ils fussent ; qui autorisait toutes sortes de personnes à les accuser ; qui défendait aux juges de recevoir d’eux leurs plaintes pour cause d’injure, d’adultère et de vol ; qui leur ôtait enfin la liberté et la faculté de parler. Un particulier, plus courageux que prudent, arracha l’édit et le mit en pièces, en se moquant des surnoms de Gothique et de Sarmatique que s’arrogeait les empereurs. Il fut arrêté, appliqué à la question, puis brûlé à petit feu : supplice qu’il souffrit avec un courage admirable.[1]
XIV.
Galère ne se contenta pas de la rigueur de cet édit ; il employa un autre moyen pour gagner Dioclétien. Il fit mettre secrètement le feu au palais, afin de le déterminer à exécuter le plan de persécution qu’il avait formé. Une partie de cet édifice fut brûlée. On fit les chrétiens auteurs de l’incendie, en sorte qu’on ne les regardait plus que comme des pestes publiques, dignes de l’exécration générale. On disait qu’ils avaient fait un complot avec les eunuques pour faire périr les princes ; que peu s’en était fallu que les deux empereurs n’eussent été brûlés tout vifs dans leur propre palais. Dioclétien, qui voulait passer pour pénétrant, ne se douta pas pourtant de cet artifice : mais, transporté de colère, il condamna tous ses domestiques à mort. Il voyait, de sa chaise, brûler ces malheureux qui étaient innocents. Tous les juges, tous ceux qui avaient puissance de vie et de mort, imitaient cette cruauté[2]. C’était à qui ferait quelque découverte ; mais on ne découvrait rien, parce qu’on épargnait la maison du César. Galère était présent à tout et animait la fureur de ce vieillard aveugle. Quinze jours après, il machina un autre incendie. On le prévint plus tôt, sans en découvrir toutefois l’auteur. On était au milieu de l’hiver. Galère précipita son départ de la ville, en affectant de dire qu’il fuyait, de crainte d’être brûlé vif.