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En effet, ayant suivi l’impression du démon qui l’animait contre les justes, il fut livré entre les mains de ses ennemis pour être puni de ses crimes (an 95). La punition ne se borna pas à une mort violente ; on en vint jusqu’à tâcher d’exterminer sa mémoire. Car, quoiqu’il eût fait construire des ouvrages merveilleux, qu’il eût rétabli le Capitole et érigé plusieurs autres monuments dignes de la magnificence romaine, le sénat jura tellement la perte de son nom, qu’il ordonna de briser toutes ses statues, d’effacer toutes les inscriptions gravées en son honneur et qu’il rendit des décrets sévères pour imprimer à sa mémoire une flétrissure éternelle. Les actes de ce tyran ayant été abolis, non-seulement l’Église recouvra son ancienne splendeur, mais elle brilla d’un nouveau lustre ; et durant le règne de plusieurs bons princes qui gouvernèrent ensuite l’empire romain et qui ne la persécutèrent pas[1], elle se répandit dans l’Orient et dans l’Occident : en sorte qu’il n’y eut point de contrée si reculée où la véritable religion ne pénétrât ; point de nation si féroce dont la prédication de l’Évangile n’adoucit les mœurs. Mais cette longue paix fut enfin troublée.


IV.

Après plusieurs années de tranquillité, l’exécrable Dèce attaqua l’Église (an 249). Car quel autre qu’un méchant homme pourrait se déclarer contre la justice ? Et comme s’il n’était parvenu à l’empire que pour s’armer contre Dieu, il ne fut pas plus tôt en possession de la puissance souveraine que sa fureur s’alluma contre les disciples de Jésus-Christ. Mais cette même fureur ne fit qu’accélérer sa perte. En effet, ayant marché contre les Carpes qui s’étaient emparés de la Dacie et de la Mésie, il fut enveloppé par ces barbares, qui le tuèrent avec une grande partie de son armée. Il ne jouit pas même des honneurs du tombeau ; son corps, nu et abandonné, fut dévoré par les bêtes et les oiseaux de proie : digne sépulture d’un ennemi de Dieu.


V.

L’empereur Valérien se laissa entraîner par une semblable fureur contre les serviteurs du vrai Dieu (an 255). Il y eut beaucoup de sang chrétien répandu sous son règne, quoique de courte durée. Mais Dieu lui fit subir un genre de châtiment tout nouveau, afin que la postérité apprît qu’enfin les méchants reçoivent la peine que méritent leurs crimes. Valérien

  1. Il y eut cependant des persécutions sous le règne des successeurs de Domitien. Mais Lactance les passe sous silence parce que jusqu’au règne de Dèce, les chrétiens eurent toute liberté de professer leur religion et même de l’étendre.