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de leur gaîté matinale les deux sonneurs, qu’ils voyaient lever les yeux en l’air, à chaque instant, dans l’espoir que leur cloche reviendrait d’elle-même reprendre sa place ordinaire.


— Révérends Pères, leur disaient les complices de Crébillon, elle a pris des ailes et s’est envolée, pour devenir un astre au ciel ; ou bien le diable, qui se mêle de tout, l’aura prise et fondue au feu de l’enfer. Mais ne vous désolez pas : elle est peut-être en voyage, comme toutes les cloches de nos paroisses, qui s’en vont à Rome, dit-on, pendant la semaine sainte. C’est votre faute aussi de l’avoir enrhumée, madame notre cloche, pour l’avoir fait parler trop matin. Cette cloche clochetait mal, avançant l’heure du travail et retardant l’heure du repos : le Moine-bourru fera bien de la battre un peu, pour la corriger.


Et les deux sonneurs, qui se communiquaient leurs inquiétudes relatives à la cloche absente, se félicitaient d’être justifiés de tout soupçon de négligence, par la déconvenue du principal, et ils en augurèrent qu’une puissance invisible empêchait l’usage des cloches dans le domaine de la Compagnie de Jésus ; ils supportaient donc avec résignation les épigrammes et les rires de la gent écolière.


Le principal était moins résigné à tolérer la soustraction de la cloche, qu’il ne pouvait attribuer à des voleurs du dehors ; il pensait qu’un collège sans cloche était semblable à un corps sans âme, et jugeant bien que ceux-là seuls étaient capables d’avoir fait le coup, qui avaient intérêt à le faire, il n’en accusa que ses élèves : en conséquence, il assembla les Pères Jésuites en conseil secret et leur demanda leur avis, après avoir hautement exprimé