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— Marie-Jeanne, dit Germain, Madame qui m’envoie vous ordonne de faire en sorte que rien ne manque à ces demoiselles, mais de ne pas souffrir qu’elles sortent de l’enceinte du parc dans la campagne.


— Eh quoi ! monsieur Germain, demanda Marie-Jeanne, madame de La Garde ne viendra-t-elle point ? Nous voilà dans un bel embarras !


— Monsieur Germain ! ajouta d’un air effaré le fermier, qui tournait fréquemment la tête, comme si quelqu’un s’approchait derrière lui, où logerons-nous ces demoiselles ? La ferme de Jacques Lupin n’est pas propre à les loger.


— Vous voilà en peine de peu ! repartit le cocher, profitant d’un moment où les deux amies s’étaient écartées de quelques pas, pour admirer des stalactites de glace aux bords de l’urne d’un Fleuve de marbre, qui alimentait d’eau l’étang voisin. La vérité est, ajoute-t-il à demi-voix, que Madame a peur de la peste, pour Mademoiselle, et qu’elle l’envoie au château, dans l’intention de la mettre à l’abri d’un malheur.


— Au château ! répéta Jean-Pierre, en faisant un signe de pitié à sa femme, qui leva les yeux au ciel.


— Au château ! reprit-elle, d’une voie dolente : mieux vaudrait l’abandonner dans les bois !


— Bah ! est-ce que vous avez aussi la peste à La Garde ? s’écria Germain, qui fit un bond en arrière et se boucha le nez.


— Nous serions plus tranquilles avec la peste qu’avec des esprits ! dit Jean-Pierre.


— Quels esprits ? demanda le cocher, que cette confidence effraya visiblement : qu’est-ce à dire ?