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— Mais, mes enfants…

— Ce sera prêt dans un tout petit quart d’heure, Docteur, assura Roxane.

— Et il y aura des poulets rôtis, puis du gâteau et de la crème fouettée pour le dessert, confia Rita à l’oreille du médecin. Aimez-vous la crème fouettée, bon Docteur ? demanda la petite, qui se pourléchait les lèvres d’avance.

— Pour prendre part à un tel festin, que ne ferais-je pas ! murmura le docteur, d’un air si comique que Roxane rit d’un bon cœur.

— Pendant que Roxane va mettre la table, voulez-vous venir voir mon beau lapin blanc Zit ? C’est Roxane qui me l’a donné en cadeau. Venez ! dit Rita au médecin.

— Rita, recommanda Roxane, il ne faut pas que tu fatigues le Docteur Philibert, ma chérie !

— Pas du tout ! — Pas du tout ! protesta le médecin. Comment aimerais-tu posséder un beau mouton tout blanc, ma chérie ? demanda-t-il.

— Un petit mouton blanc ! Oh —

— Je t’en apporterai un du Valgai bientôt, peut-être la semaine prochaine, promit le médecin. Eh ! bien, allons faire la connaissance de Zit !

Avant de quitter les Barrières-de-Péage, le Docteur Philibert eut quelques instants de conversation avec Roxane :

— Hugues pourrait bien reprendre connaissance demain, même ce soir. Ne le laissez pas parler, du moins empêchez-le de parler autant que possible. Il voudra avoir des nouvelles de son père, probablement, et vous pourrez lui raconter… ce que vous voudrez. Les bonnes nouvelles (je veux dire si vous parlez à Hugues des bonnes dispositions de son père, à ses derniers moments) cela ne pourrait que faire du bien au malade. Je reviendrai… attendez… c’est aujourd’hui samedi… j’essayerai de revenir lundi, dans l’après-midi car, dans l’avant-midi, je dois assister aux funérailles de M. de Vilnoble mon vieil ami, et ensuite, à la lecture de son testament.

— À lundi donc, Docteur ! dit Roxane. En attendant, nous prendrons le meilleur soin possible de votre malade ; je suivrai toutes vos indications, très à la lettre.

— C’est sans crainte que je laisse Hugues de Vilnoble entre vos mains, Mlle Monthy. À lundi !

— À lundi, répéta la jeune gardienne des barrières.

Mais le lundi se passa, et d’autre lundis encore sans que le Docteur Philibert revînt aux Barrières-de-Péage ; l’homme propose et Dieu dispose.


CHAPITRE XIII

EN VOIE DE GUÉRISON


Le lendemain, dimanche, il était onze heures de l’avant-midi, quand Roxane entrant dans la salle, pour y chercher quelque chose, entendit la voix de Rita, à l’étage supérieur. La petite avait obtenu de sa grande sœur la permission de s’installer dans la chambre du malade avec un album de gravures. Roxane ne fut pas très surprise d’entendre Rita parler ainsi, car elle jasait souvent avec ses poupées, ou bien en regardant des images. Mais soudain, une voix plus grave se fit entendre et la gardienne des barrières de péage monta immédiatement voir ce qui se passait en haut.

Hugues de Vilnoble avait repris connaissance. En apercevant la jeune fille, il s’écria :

Mlle Roxane !

— Oh ! Roxane, dit Rita, le monsieur est éveillé, enfin ! N’es-tu pas contente ? Moi, je le suis !

— Que je suis heureux de vous revoir, saine et sauve, Mlle Roxane ! — murmura le malade.

— Je vais aller chercher Zit, pour le montrer au monsieur, dit Rita.

Ce-disant, l’enfant sortit de la chambre, laissant Roxane seule avec le malade.

Mlle Roxane… commença Hugues.

M. de Vilnoble, interrompit la jeune fille, le médecin a expressément défendu de vous laisser parler. Cependant, comme je comprends que vous avez hâte de savoir ce qui s’est passé aux Peupliers, je vais tout vous raconter…

— Mon père ?… interrogea Hugues.

— Hélas ! répondit Roxane, M. de Vilnoble était presqu’à l’agonie quand je suis arrivée aux Peupliers et il est mort cette nuit-là… Mais, attendez : avant que je vous fasse le récit de ce qui s’est passé, vous allez prendre un peu de bouillon, Belzimir ! appela-t-elle.

— Oui, Mlle Roxane ! répondit le domestique.

— Monte donc un bol de bouillon ici immédiatement.

Au bout de quelques minutes, Belzimir arriva dans la chambre, portant sur un plateau, et avec de grandes précautions, un bol de bouillon.

— Ah ! le monsieur est mieux ! s’exclama-t-il.

— Oui, mon ami, je suis mieux, répondit Hugues.

— Nous sommes bien contents, alors, dit le domestique. Y a-t-il autre chose que je puisse faire, Mlle Roxane ?

— Non, Belzimir… excepté surveiller le dîner, car j’ai à causer avec M. de Vilnoble.

— Bien, Mlle Roxane ! Fiez-vous à moi.

Quand Hugues eut bu le bouillon, Roxane lui fit le récit de ce qui s’était passé aux Peupliers. Elle lui parla de son arrivée et de son entretien avec M. de Vilnoble. Elle dit comment celui-ci, pris de remords d’avoir déshérité son fils, avait exprimé le désir de faire un nouveau testament. Elle dit comment elle était allée chercher le notaire Champvert, homme d’aspect sinistre, et l’arrivée de ce dernier aux Peupliers. Elle dévoila le contenu du dernier testament de M. de Vilnoble, testament signé par elle et aussi par le fidèle Adrien. Elle insista sur le peu de confiance du testateur en son notaire et elle raconta que Adrien avait été chargé de mettre le nouveau document sous les oreillers de son maître. Elle parla aussi du regard de colère et de haine jeté sur le moribond par le notaire, au moment de quitter la chambre du malade, regard qu’elle seule avait surpris.

— Après que le testament de votre père eut été fait et signé, ajouta Roxane, il me dit :