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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

Soudain, il se rappela que la table de la cuisine était couverte de brochures et de revues… Il irait en chercher une ou deux… Même il avait remarqué que l’une de ces brochures était de son auteur favori…

Oserait-il se risquer dans la cuisine cependant, sans permission ?…. M. Villemont n’était pas… commode tous les jours… tous les soirs non plus, sans doute, et Yvon se dit qu’il risquerait « d’attraper un blé d’inde » (comme ça se disait parmi les mineurs), s’il se rendait à la cuisine, sans y être invité…

Non ! Il n’irait pas !… Le lendemain, par exemple, il demanderait à leur hôte de lui prêter un livre…

À ce moment arriva de la cuisine l’aboiement d’un chien… Guido !… II était donc de retour ?… Où avait-il été, toute la journée ?…

Cet aboiement de Guido décida le jeune homme à se rendre à la cuisine. D’ailleurs, il tenait à revoir le chien et peut-être réussirait-il à le ramener avec lui dans sa chambre ; quelle compagnie ça lui ferait, jusqu’à ce que l’heure de dormir fut venue !…

Se levant sans bruit, du canapé sur lequel il s’était assis, Yvon se dirigea vers la porte, dont il tourna doucement la poignée… Mais la porte ne s’ouvrit pas… Il la secoua à plusieurs reprises ; elle résista…

Leur porte de chambre était fermée à clef ; ils étaient prisonniers, pour ainsi dire, Lionel Jacques et lui !


Chapitre X

YVON EST INDIGNÉ


Prisonniers !…

La sensation d’être enfermé à clef dans une chambre, n’est pas de ses plus agréables. Yvon se demanda depuis quand, depuis quelle heure, il en était ainsi… Sans doute, lorsque M. Villemont était venu chercher le plateau du malade, vers les sept heures et demie, il avait, avec une grande précaution, tourné la clef dans la serrure.

Si la Maison Grise était, en partie, abandonnée, bien sûr que ses serrures fonctionnaient comme si elles eussent été huilées fort souvent.

Dans tous les cas, ils étaient prisonniers dans leur chambre, Yvon Ducastel et son malade ; il n’y avait pas de doute là-dessus… À cette pensée, le jeune homme sentit le rouge de la colère lui monter au visage et des protestations indignées s’échappèrent de sa bouche.

Vraiment, il eut envie de se jeter sur la porte et de l’enfoncer, puis d’aller demander à M. Villemont la raison de sa conduite à leur égard… Mais à quoi cela servirait-il ?… Cet homme lui répondrait probablement, sur un ton tranquille et froid, accompagné d’un sourire déplaisant, qu’il était le maître chez lui et que s’il lui plaisait de s’assurer d’une parfaite solitude, en enfermant les gens dans les quartiers qu’il leur avait cédés, c’était là son affaire.

Malgré lui, Yvon crispa le poing. Ils étaient donc, lui et son compagnon, à la merci de leur hôte ; d’un étranger, on pourrait même dire, d’un homme étranger, à la voix, aux gestes brusques, presque brutaux ?… Ce n’était pas du tout rassurant cette idée… Il fallait aviser… trouver le moyen de se protéger…

Notre jeune ami s’empara d’une chaise et se dirigeant vers la porte, il en plaça le dossier sous la poignée ; de cette manière, ils seraient en sûreté… provisoirement toujours, car personne n’eut pu essayer de pénétrer dans leur chambre sans faire assez de bruit pour les réveiller tous deux.

Satisfait de ce qu’il venait d’inventer pour leur protection, Yvon se mit au lit, et bientôt, il s’endormait d’un profond sommeil… Le dernier bruit qui lui parvint, avant de s’endormir tout à fait, ce fut celui de l’aboiement de Guido, venant de la cuisine.

Il était sept heures lorsque notre jeune ami ouvrit les yeux, le lendemain matin. À la hâte, il se leva et s’étant habillé, sur la pointe des pieds, il s’approcha du lit de son compagnon.

Mais celui-ci ne dormait pas ; assis sur son lit, il regardait, d’un air grandement étonné, la chaise