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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

cepté, un continuel vacarme se faisait entendre.

Mais plus extraordinaire, plus étrange encore était le silence régnant dans la houillère ; de plus c’était sinistre. Les chars avaient cessé de fonctionner ; pics et pioches avaient été abandonnés : la houillère n’était plus, pour le moment, qu’un trou béant, un gouffre presque sans fond et, on avait tout lieu de le croire, un tombeau…

C’est qu’une catastrophe était arrivée ; des voûtes s’étaient effondrées dans la mine, et quoique, l’inspecteur excepté, tous avaient été sauvés, il y aurait, à W… dorénavant, un grand nombre d’infirmes, d’invalides, victimes de l’affreux accident.

Il était près de sept heures du soir. La journée avait été belle ; le soleil avait souri gaiement à la nature ; les oiseaux avaient chanté joyeusement dans le feuillage et tout présageait un radieux crépuscule… Comment eut-on prévu qu’une tragédie se déroulait, sous la croûte terrestre ?…

La nouvelle s’était répandue avec la rapidité d’un éclair. Horreur ! Horreur ! Dans la houillère, des voûtes s’étaient effondrées et qui savait combien de malheureux mineurs avaient été ensevelis sous les décombres !

En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, tous les citoyens de la ville s’étaient rendus à l’entrée de la mine et là affolés d’inquiétude, ils attendaient l’arrivée des chars, accourait à leur rencontre en se bousculant. Tous espéraient apercevoir, dans chaque char qui remontait, soit un mari, soit un fils, soit un frère, soit un fiancé. Mais combien furent déçus, tout d’abord !… Alors, que de cris de douleur, de désespoir ! Des poings se crispaient ; on maudissait la houillère, cet enfer, qui avait englouti des êtres chers… sans songer que cette même houillère procurait de l’emploi à des centaines d’hommes et aussi du pain à des familles entières.

Presqu’au premier rang de la foule, on eut pu reconnaître Mme Francœur, maîtresse de pension à W… Elle était là, causant avec deux hommes de nos connaissances : Lionel Jacques et M. Foulon.

— Qu’est-il devenu ? sanglota-t-elle, M. Ducastel… Ce pauvre M. Ducastel !…

— Ne perdons pas espoir, chère Madame, dit Lionel Jacques, mortellement inquiet lui-même. Nous allons le voir arriver dans le prochain char peut-être.

— Tous les chars sont remontés, M. Jacques ! s’exclama Mme Francœur.

— Le pensez-vous ? Ciel ! J’espère que vous vous trompez !

— Avez-vous vu M.  et Mlle d’Azur ? demanda M. Foulon.

— Moi, j’ai certainement aperçu M. d’Azur, assura Mme Francœur. Il s’en allait dans la direction de notre maison… Il était seul…

— Seul ?

— Oui, seul… quand je l’ai vu, du moins… Il paraissait marcher avec beaucoup de difficulté.

— Ah ! Blessé, sans doute ?

— Probablement.

— Mais, Mlle d’Azur ? demanda Lionel Jacques. Elle devait être avec son père ! Je ne vois pas bien M. d’Azur s’acheminant vers votre demeure, sans connaître le sort de sa fille… qu’il adore, me dit-on.

— Je n’ai pas vu Mlle d’Azur, affirma, de nouveau Mme Francœur. Mais peut-être précédait-elle son père, sur le chemin… Dans cette foule ; dans tout ce brou-ha-ha…

— Qui a vu Patrice Broussailles ? demanda Lionel Jacques.

Ni Mme Francœur, ni M. Foulon ne répondirent.

— Quelle terrible affaire ! s’écria M. Foulon. Ma femme a reçu un tel choc nerveux que j’ai dû la transporter chez moi, vous savez, Mme Francœur. Mais je l’ai laissée aux soins de Madeleine Blanchet… pour revenir offrir mes services, ici. Madeleine est une excellente jeune fille, si bonne, si dévouée, malgré ses petites excentricités !

— Tiens ! Un autre char qui remonte ! s’exclama quelqu’un.

— Puisse-t-il contenir M. Ducastel ! murmura Mme Francœur.

— Pauvre Yvon ! balbutia Lionel Jacques.

Hélas ! L’inspecteur de la mine avait été enseveli sous les décombres, c’était presque certain ! Que c’était épouvantable !

Mais quittons, pour un temps l’en-