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L’HOMME DE LA MAISON GRISE

l’explication… Cela dépend…

— Peut-être ? Cela dépend, dites-vous ? Mais…

— Je suis prêt à vous expliquer mes paroles, Mlle d’Azur ; pourtant, je ne le ferai que s’il est entendu que nous allons jouer cartes sur table, vous et moi.

— Que… Que voulez-vous dire ?

— Tenez, Mlle d’Azur, asseyons-nous ici et causons, voulez-vous ? demanda Patrice Broussailles.

Il étendit son imperméable sur une pierre plate et fit signe à la jeune fille ; sans se faire prier, celle-ci s’assit à côté de lui.

— Vous désirez savoir ?… commença-t-il.

— Je veux l’explication de vos paroles de dimanche, répéta Luella, d’un ton impatienté. Et puis, ayez donc la bonté de me dire ce que vous prétendez insinuer, en proposant que nous jouions cartes sur table.

— Je prétends que nous soyons francs, l’un avec l’autre ; voilà.

— C’est entendu.

— Alors, je commence… Mais n’allez pas vous froisser à la première parole que je vais prononcer.

— Pourquoi me recommander cela ? Vous n’avez pas l’intention de m’injurier je le suppose, M. Broussailles ? fit la jeune fille en riant.

— Certes, non !

— Alors, procédez, je vous prie.

— Voici… Pour que Mlle d’Azur, la fille d’un millionnaire, ait élu domicile, pour quelques semaines, dans une ville minière, elle doit avoir de… puissantes raisons…

— Continuez, fit tranquillement Luella.

— Il y a certainement de l’attraction pour vous, quelque part… dans votre maison de pension probablement ; cette attraction, je ne crois pas me tromper en la désignant du nom de Yvon Ducastel…

— Cartes sur tables, avez-vous dit ! murmura-t-elle en souriant. Faut-il que je dise « oui » ou « non » ?

— Ce n’est pas nécessaire, je l’ai deviné… je sais… Or, pour parler sans phrases, ni périphrases, voici : vous aimez M. Ducastel, Mlle d’Azur… et M. Ducastel… aime… Annette, l’aveugle.

— Impossible !

— Il l’adore, si vous aimez mieux, et il l’épouserait demain, j’en suis convaincu, si la chose se pouvait… Mais il y a un oncle ou un grand-père à l’arrière-plan qui…

— Je n’en crois pas un mot ! s’exclama Luella. Cette jeune fille, si affligée… une aveugle…

— Ah ! C’est qu’Yvon Ducastel est un fier original, vous savez !

— Un original… que vous n’aimez certes pas, M. Broussailles, ajouta en riant, Luella.

— Je l’avoue, répondit Patrice. Mais, pour revenir à ce qui vous intéresse, Mlle d’Azur… je serais prêt à… jeter dans vos bras celui que vous aimez… moyennant finances… Je le répète, cartes sur table !

— Ah !…

— Je suis pauvre… très pauvre ; vous êtes riche, très riche. Votre père est millionnaire, et vous recevrez en dot, le jour de votre mariage, dit-on, un chèque pour un million.

— Qui donc a répandu cette nouvelle ? demanda la jeune fille.

— Je ne sais trop… L’important, c’est que c’est la vérité… Or, si vous promettez de me donner, en dedans d’un mois après votre mariage à M. Ducastel, la somme de dix mille dollars, vous pouvez considérer que c’est presque chose faite… votre mariage, je veux dire.

— Comment vous vous y prendrez-vous… pour amener ce mariage ? questionna Luella, qui ne paraissait ni étonnée, ni indignée d’une pareille proposition.

— Je suis en possession d’un secret concernant Yvon Ducastel… Un incident qui s’est passé, il n’y a pas si longtemps, et que je suis seul à connaître… à part d’un autre qui, lui, n’en desserrerait pas les dents pour tous les biens de la terre.

— Et ce secret ?…

— Si je le dévoilais, je lui ferais perdre immédiatement sa position à M. l’Inspecteur de la houillère de W…

— Et ayant perdu sa position, il serait bien aisé de partager ma fortune avec moi, vous pensez ?

— C’est exactement ce que je veux dire… Cependant, il y a d’autres moyens qui…

— Savez-vous, M. Broussailles, in-