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gagna Paris, ayant en sa possession un millier d’écus récoltés sur les tapis verts d’Édimbourg ; mais le soir même de son arrivée, la roulette du Palais-Royal les lui enleva.

Il fallait remédier à ce désastre, et il s’adressa à son frère, devenu chef de la maison de Lyon.

Au lieu d’argent, le jeune homme ne lui envoya que des conseils, chose toujours aisée. Le moindre billet de banque eût mieux fait son affaire.

Opulent hier encore, le touriste, maintenant aux abois, répondit courrier par courrier, à son aîné, que si, dans trois jours, il ne recevait aucun secours plus efficace que des préceptes et des avis, il saurait s’en procurer d’une façon qui ne ferait pas plaisir à sa famille.

Nulle réponse ne fut faite à cet ultimatum. Lacenaire résolut donc de mettre son projet à exécution ; mais, avant de commencer, il tenta un emprunt près d’une tante qu’il avait sous la main, rue Barre-du-Bec. Cette négociation lui procura trois cents francs. Il les hasarda encore au jeu ; le trente-et-quarante les engloutit. Sans se décourager il retourna chez la brave femme, et lui arracha cent autres écus. Cette fois-ci, la roulette, un peu plus expéditive que le trente et quarante, les dévora en trois coups.

Irrité contre tout et contre lui-même, honteux de sa défaite, le joueur, si maltraité par la chance, ne perdit cependant pas la tête. Il était très versé dans la calligraphie, et ferré sur l’imitation de l’écriture d’autrui. Il chercha donc à se dédommager des rigueurs du sort en mettant à profit cette dernière et déplorable faculté.