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car je ne veux que vous éclairer, et vous pourriez croire que je cherche à vous égarer.

Soumettez, je vous en conjure, à une sévère analyse toutes les actions, toutes les habitudes de Lacenaire, et puis, si vous pensez, comme j’aime à le croire, qu’il n’a obéi qu’à la fatalité qui le poursuivait, que la fièvre qui le consumait ne lui a pas laissé ce libre arbitre dont il faut jouir pour être coupable, oh ! alors vous n’aurez plus le droit de le tuer, ce serait cruauté !… vous l’enfermerez, vous le garotterez, vous le mettrez dans l’impossibilité de nuire… mais vous ne le tuerez pas !

Lacenaire, messieurs, a dans cette cause un mérite incontestable, et qui lui donne des droits à l’indulgence. — Au milieu de sa vie toute souillée de forfaits, vous remarquez en lui un caractère effrayant de sincérité…

Si la justice ne montre aucune clémence à l’égard des coupables qui viennent à ses pieds confesser leurs crimes, elle donnera par là à la société une fâcheuse leçon. N’est-ce pas dire aux criminels : Mentez audacieusement, car la vérité ne saurait vous sauver ; le doute grandit avec le crime, et plus l’accusation sera grave, plus il sera facilement accueilli par le juge consciencieux ; vos dénégations ne seront pour vous qu’une chance de salut.

Quelque soit le motif qui a dicté ses aveux, ne lui en enlevez pas le mérite. Peut-être ont-ils empêché bien des malheurs ; et puis ne vous semble-t-il pas qu’il faut user avec ménagement de l’arme qu’un ennemi vous met à la main pour la tourner contre lui ?

Telle est cependant ma cruelle position, messieurs, que cet argument si solide doive aussi m’échapper.