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lorsque Avril fit la proposition d’assassinat à Fréchard ?…

Lacenaire. — Non, monsieur le président, mais je me rappelle que le jour où nous avons déjeuné chez Brutus, Avril me dit : « J’ai parlé à Brutus de notre affaire, il n’y mord pas. » J’en parlai à mon tour à Brutus, qui me dit : « La chose ne me convient pas. » Je n’en parlai plus.

Fréchard. — Quelques jours se passèrent ; je rencontrai Avril dans le faubourg Saint-Denis, et je dois vous prouver que je n’ai pas de haine et de vengeance contre lui, et qu’au contraire, j’ai toujours été le dernier à lui vouloir du bien. Avril me dit qu’il allait au vague, c’est-à-dire à l’ouvrage, ou, pour mieux dire, qu’il avait un vol à faire. Je lui dis : « Mais tu ne peux aller au vague dans un pareil état, tu es mal vêtu, tu n’as pas de linge blanc ; j’ai deux chemises toutes blanches : j’en ai une sur moi, par hasard, je vais te la prêter. » Nous entrâmes chez un marchand de vin pour faire l’échange.

Trois ou quatre jour après, Avril revint me voir rue Roquépine ; il tenait à la main une volaille sans plumes et sans tête… (On rit). « J’ai fait ça, hier, dit-il, voilà de quoi vivre pour aujourd’hui ; faisons la pot-bouille avec. » Je craignais d’être compromis par sa visite, ainsi que ma maîtresse. Nous lui fîmes un accueil assez froid. Ma maîtresse m’avait fait comprendre le danger qu’il y avait à le recevoir, et je le lui montrai bien. Il me dit en s’en allant : « Tu es un fainéant, un lâche : tu n’aimes que l’argent qui ne te coûte rien. » Je lui répondis des choses qu’il est inutile que je répète ici. Je le rencontrai peu de temps après dans la rue Phélippeaux ; il me parla