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qu’elle est restée à Clermont, je n’ai plus entendu parler d’elle. Lorsqu’Avril et moi nous fûmes sortis de Poissy, je le rencontrai un jour sur les boulevards extérieurs. Je ne le reconnus pas. J’étais sorti de Poissy presque aveugle, à cause du feu de la forge, qui m’avait tellement brûlé les yeux que je ne pouvais même plus supporter la clarté du soleil. J’étais alors avec une autre maîtresse, Flore Bastin. Avril me demanda si l’on me nommait Brutus. — C’est un de ces noms vulgaires que les prisonniers se donnent mutuellement ; on m’avait surnommé Brutus parce que je déclamais volontiers des vers de la Mort de César (On rit.)

Dussé-je encourir le blâme, je dois dire toute la vérité, et j’entre dans ces détails pour que l’on croie à ma déclaration. Comment croire, en effet, qu’Avril eût été assez imprudent pour me proposer l’assassinat de Chardon en présence d’une femme inconnue ?

Mais il croyait que Flore Bastin était la même que Stéphanie Certain, dont je lui avais parlé. Nous allâmes prendre un verre d’eau-de-vie au coin de la barrière de Mousseaux. Avril me dit qu’il n’avait par d’argent, je payai pour lui. Stéphanie Certain avait pour surnom l’Anglaise ; — c’était son nom de guerre, comme moi Brutus (nouveaux rires). — Ces détails sont utiles aux jurés pour que vous compreniez ma déposition et y ajoutiez créance. — « Est-ce l’Anglaise ? me demanda Avril ? » je fis un signe affirmatif de suite, pour terminer la question sur cette personne, et ne point parler de mon ancienne. « Avril me dit, puisque c’est l’Anglaise, elle est franche, on peut jaspiner (parler) devant elle. » À ces