Page:Lacenaire, éd. Cochinat, 1857.djvu/20

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La naissance de Lacenaire, loin de plaire à son père et à sa mère, les aurait, au contraire, si on l’en croit, remplis de tristesse ; on eut hâte de se débarrasser de lui, comme d’un hôte importun, et il fut confié aux soins d’une nourrice, dont le souvenir lui fut toujours cher, même à l’époque où il se souillait de crimes.

La fortune, si souvent accusée d’inconstance, d’injustice et d’aveuglement, est parfois railleuse et cruelle envers ses favoris !

Le fatal enfant dont nous venons de parler n’allait point mettre un terme à l’accroissement de sa famille, car, après sa venue, neuf autres grossesses laborieuses et pénibles devaient porter madame Lacenaire à regretter sa stérilité première, et lui faire maudire sa fécondité présente.

De ces treize enfants, il ne restait plus que six : le fils aîné, quatre filles, et celui qui nous occupe.

Madame Lacenaire, croyant sans doute qu’elle n’aurait jamais qu’un seul enfant, avait porté sur un seul toute la somme d’affection que renfermait son cœur. Le père avait imité sa femme sur ce point, et sa sévérité naturelle y aidant, le cadet, par suite des injustes préférences de sa famille pour son frère aîné et du peu d’amitié qu’on lui montrait, devint un enfant jaloux, maussade et dissimulé. Très intelligent d’ailleurs, et d’une nature supérieure à celle de son aîné, qui était d’une nullité complète, comme beaucoup d’enfants gâtés, il vit clairement qu’il était venu intempestivement dans la maison, et dès lors les mauvais sentiments commencèrent à germer dans son cœur. Il se replia donc sur lui-même,