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Enfin, — et ceci est de la fantaisie élevée à la centième puissance, — un jeune homme, assez intelligent pourtant, nous a développé la théorie que voici :

— Lacenaire, nous disait-il, était un meurtrier philanthrope. Cet homme avait tellement expérimenté la vie et la trouvait si amère ; il avait tant souffert et savait qu’on est si malheureux en ce bas monde, qu’il tuait certains hommes pour les débarrasser du fardeau de la vie.

— Alors il assassinait pour rendre service, répondions-nous, et le soir du jour où il immola les Chardon, il pouvait donc dire comme Titus : « Je n’ai pas perdu ma journée… »

— Certainement ! — nous répliqua avec feu le jeune homme.

Cette opinion entre, comme on le voit, dans les plus hautes spéculations du paradoxe, et nous ne la mentionnons que pour faire voir à quelle hauteur peut monter une imagination échauffée.

Le vrai motif qui poussait Lacenaire au crime c’est qu’il était affligé de la maladie appelée soif-calle, et cette affection a eu une trop grande influence sur sa vie pour que nous n’en parlions pas.

Ce malheur ne l’excuse pas ; mais du moins il explique ses meurtres jusqu’à un certain point. Nous n’avançons ce fait qu’à la suite d’un homme de génie, en fait de science, d’après Raspail, qui parle ainsi de Lacenaire, dans son article sur la Faim ou Soif-Calle (Manuel de la Santé, année 1851).

« Quand cette faim ou soif dévorante n’est pas l’effet