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Le nouveau venu se présenta dans la maison du vaudevilliste quelques jours après, sa pièce n’avait pas encore été lue. Il revint encore deux ou trois fois, même excuse : il voulut pénétrer jusqu’à l’auteur comique, celui-ci était toujours absent.

Ennuyé enfin de ce retard, et prenant à son tour le détenteur de sa pièce pour un détrousseur littéraire, l’auteur en herbe trompa un jour la consigne et arriva jusqu’à l’appartement de son futur confrère. L’ancien reçut encore le débutant avec les mêmes cérémonies, et voulut une seconde fois parlementer à distance. Le jeune homme ne voulait plus entendre raison : il fit mine de pousser la porte pour entrer dans le cabinet et délivrer son manuscrit. Ce fut alors que M. Dupin crut avoir réellement affaire avec ce vaudevilliste assassin, dont le poignard, comme celui de Damoclès, planait sur la tête de chaque auteur. Son imagination s’enflamma et lui montra le péril, il repoussa vivement l’assiégeant mystérieux ; une lutte faillit s’établir entre les deux écrivains, mais ils ne poussèrent pas plus loin les choses que Vadius et Trissotin, et l’auteur comique rendit sur le carré au conscrit dramatique son cahier encore vierge.

À quelques semaines de là, la pièce, qui avait eu un prologue si mouvementé, était représentée et applaudie par M. Dupin lui-même, très fâché d’avoir pris celui qui l’avait faite pour un meurtrier de lettres. avait, pardieu, bien raison ! car celui qu’il s’était représenté comme un sicaire n’était autre que M. Davrecourt, devenu depuis un de nos bons vaudevillistes.