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Du glaive et de la voix le poète a lutté.
Mais quand il vit un peuple entier, qui se renie,
Se coucher dans sa fange et son ignominie,
Et de ses fers léchant l’enclume et les marteaux,
Cynique, se vautrer dans ses instincts brutaux,
Il connut cette angoisse, entre toutes amère,
Qu’endure un fils, hélas ! à rougir de sa mère.
Devant tant de misère et tant d’abaissement
Son cœur s’emplit de honte et de ressentiment.
Subir un tel forfait, c’est en être complice !
L’opprobre du silence !… Il vaut mieux le supplice
De l’exil !… Il partit, mais au front du pervers,
Comme Dante, il laissa la marque de son vers !
L’impérial Caïn sur sa face traîtresse
Porte à jamais le sceau d’une main vengeresse ;
Et le suprême arrêt que ta bouche a dicté,
Ô Muse ! Dieu l’impose à la postérité !


XI

Toi, peuple trois fois vil, interroge ton maître !
Si le vrai peut sortir de la bouche d’un traître,
Lui-même il te dira quel âpre châtiment
Garde la Muse à qui put trahir son serment ;
De quelles visions la Voix inexorable