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Du rôle de Zoïle au rôle d’Anytus.
En ces siècles d’opprobre où règnent les Tibères,
D’un pouvoir soupçonneux faites-vous les Cerbères,
C’est bien ! et, poursuivant les généreux chanteurs,
Jetez sur leurs talons vos abois délateurs,
C’est bien ! et si l’un deux, la colère dans l’âme,
Proteste au nom du droit contre un Olympe infâme,
Et, sous le dais bravant le crime couronné,
Venge au moins dans ses vers son espoir enchaîné,
Dénoncez aux faux dieux le fils des Prométhées !
Accusez-le d’orgueil ! c’est très bien
                                       Ô panthées !

Oh ! qu’il est à propos et qu’il vous sied vraiment,
En ces jours de bassesse et d’avilissement
Où la peur, l’égoïsme incline aux platitudes,
De flétrir chez autrui les nobles attitudes !
Sur ce gouffre où l’honneur sent partout un écueil,
Celui qui se tient droit, vous l’accusez d’orgueil.
Ah ! si vous blâmez tant près de vous le poète
Qui passe, et libre, et triste, et portant haut la tête,
C’est que de l’homme en lui marche la dignité ;
C’est qu’il a su garder intacte sa fierté ;
C’est que, fermant son cœur aux lâches défaillances,
Il n’a point, lui, vendu ni trahi ses croyances ;
C’est que, resté debout, et fidèle à son Dieu,
De ce qu’il a de trop, vous, vous avez trop peu !

Mais non ! pour tant crier aux ulcères de l’âme,
Pour jeter de si haut et l’insulte et le blâme,