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La nature, mêlant l’ivresse à la souffrance,
          De l’homme ardente à se jouer,
Pour leurrer ses douleurs lui donne l’espérance,
          L’amour pour se perpétuer.

Créer, tel est son but, but fatal et sinistre :
          Indifférente à nos tourments,
Dans cette œuvre sans fin l’amour est son ministre,
          Nous, ses aveugles instruments.

La femme autant que l’homme est victime et complice
          Du maître imposé par le sort.
L’un de l’autre on aggrave à l’envi le supplice
          Qui n’a de terme que la mort.

La femme, c’est cette ombre à nos pas attachée :
          Courez vers elle, elle vous fuit ;
Fuyez-la, vous voyez la vipère alléchée
          Derrière vous qui vous poursuit.

Aime, on te trahira ; sois sincère et fidèle,
          On se rira de ta candeur.
La femme change ; l’onde est moins mouvante qu’elle :
          Que ferait-elle de ton cœur !

Change et trompe, à ton tour ! aime et trompe sans cesse !
          Torture qui sait torturer !
Brise la coupe après en avoir bu l’ivresse !
          Fais pleurer pour ne pas pleurer !