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Ce qui flatte ou reluit ! Si le sort en pâture
Vous livre une âme ouverte à l’infini désir,
Vous trouvez à la perdre un étrange plaisir :
Vous brisez, vous brûlez dans cette âme flétrie
L’idéal, cette fleur de l’Éden, sa patrie !

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Et vous, nos compagnons de trouble et de douleurs,
Vous dont la lèvre sait l’amertume des pleurs ;
Hommes, têtes encor de cheveux couronnées,
Vieillards, fronts qu’a blanchis la neige des années,
Jeunes et vieux, parlez, et, la main sur le cœur,
Dites, en est-il un parmi vous qui, vainqueur
De la Vipère, ait su porter sans perdre haleine
Le poids de son amour ou le poids de sa haine ?
En est-il parmi vous un seul qui, mâle et fier,
Ait pu sans défaillir boire le miel amer,
Et qui, l’angoisse au flanc, éperdu de souffrance,
N’ait blasphémé jamais la vie et l’espérance ?
En est-il un, un seul, doux et fort jusqu’au bout,
Job de la passion, sur son fumier debout,
Qui n’ait un jour maudit le Dieu de sa jeunesse ?
S’il en est un, eh bien, que notre œil le connaisse !
Que pour nous enseigner il se lève entre nous !
Que je le voie, et l’aime, et l’envie à genoux !

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