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Que nous veut ce désir inné de se survivre ?
Si la vie est un mal, pourquoi la désirer ?
Hélas ! ce lâche instinct dont rien ne nous délivre,
Ajoute aux autres maux la douleur d’espérer.

Quand le fini s’éteint, l’Infini s’en exhale
Et se rallume ailleurs. — Où ? comment et pourquoi ?
Seul il le sait, Celui dont l’aube virginale,
Succédant à la nuit, nous révèle la loi,

L’inexorable loi qui veut que la lumière
Précède et suive l’ombre, et l’ombre la clarté ;
Qui veut qu’en nous l’esprit s’accouple à la matière,
L’âme au corps, la pensée à l’animalité.

Pour paraître souffrir, souffrir pour disparaître,
Entre ces deux moments penser l’éternité,
Voilà l’homme. — Aspirer est la fin de notre être ;
Se résigner, le but de notre liberté.

Eh bien, résignons-nous ! Il se peut que la vie
Soit d’un monde étoilé la révélation,
L’épreuve méritoire où le ciel nous convie,
Et de l’âme en travail la libre ascension.

Ce but vaut qu’on le tente, ô poète stoïque,
Mâle et sincère esprit, toi le dernier Romain !
Il était d’un cœur tendre et d’une âme héroïque
D’étreindre l’Absolu d’un espoir surhumain.