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Dédaignant la pitié, pour imposer l’estime
De sa propre détresse il faut sortir vainqueur !
Si le monde en nous croit briser une victime,
Montrons-lui que la force est du côté du cœur !

J’ai trop voulu, j’ai trop attendu de la vie,
Et je sais le mensonge où j’accouplai ma foi.
Je m’en vais du festin la lèvre inassouvie :
Les fruits que j’ai connus n’étaient point faits pour moi !

Je ne veux plus d’un monde aux idoles traîtresses !
Préférant ma chimère à ses réalités,
J’ai repoussé la coupe aux banales ivresses !
Mon âme a soif d’amour et non de voluptés !

Interrogeant mes jours, penché sur mes ruines,
Je le sens trop, des fleurs de nos étés ardents
J’ai perdu les parfums et gardé les épines,
Et mon cœur saigne ! — soit ! mais qu’il saigne en dedans !

N’étalons point aux yeux nos vivaces blessures !
Étouffons nos soupirs sur nos lèvres en feu !
Écrasons sur nos cœurs l’aspic et ses morsures !
Nos angoisses sans nom, ne les crions qu’à Dieu !

Rentrons en nous, rentrons nos vertus blasphémées !
Voilons nos vœux déçus des ombres du linceul !
Couvrons d’un masque froid nos pâleurs enflammées !
Disons à notre esprit : « Debout ! et marche seul ! »