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La lumière expirante illuminait les cimes,
Et des arbres altiers dont nos monts sont couverts,
Molle et vague, dorait encor les dômes verts.
Sur un tamarinier géant dont la racine
Et le vaste feuillage emplissaient la ravine,
Un cardinal, l’oiseau flamboyant, au bec noir,
Se berçait en plein ciel à la brise du soir.
Dans la verte épaisseur de l’arbre au large ombrage
Brillait comme une fleur de pourpre son corsage :
L’écarlate poitrail de l’hôte ailé des bois
Révélait le chanteur que révélait sa voix.
Tourné vers le couchant, enivré de lumière,
Il chantait le soleil dans la clarté dernière.
Tandis que l’orbe d’or à l’horizon baissait,
Pour le voir de plus haut, plus haut il s’élançait ;
Et son bec, grand ouvert, sur le mont et la plaine
Versait l’hymne du soir dont son âme était pleine,
Hymne où le crépuscule, éteignant ses couleurs,
Mêlait aux rythmes clairs ses mourantes pâleurs ;
Et l’ombre se faisait au ciel et sur la terre,
Où de la nuit déjà planait le grand mystère.
Soudain, un coup de feu dans l’azur retentit ;
La voix se tut ; de branche en branche s’abattit
L’inoffensif oiseau de la forêt paisible…
Un chasseur attardé, subitement visible,
Surgit de la ravine. — En ses doigts teints de sang
Palpitait, tiède encor, le chanteur innocent ;
Et la main sacrilège ouvrant la gibecière,
Y mit l’oiseau de pourpre ami de la lumière ;